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Efficace, la contraception naturelle? Oui et non

Photo: iStock - 1shot Production
Kathleen Couillard - Agence Science-Presse

Souvent appelées méthodes de contraception naturelle, les approches basées sur la connaissance de la fertilité sont perçues comme peu efficaces. Qu’en est-il vraiment ? Le Détecteur de rumeurs a vérifié. 

Des bases scientifiques ? 

Selon l’Office of Population and Reproductive Health des États-Unis, qui relève de l’Agence pour le développement international, les stratégies dites naturelles ne devraient pas être considérées comme des méthodes traditionnelles, mais plutôt comme des méthodes de contraception modernes, puisqu’elles reposent sur des mécanismes biologiques bien compris des scientifiques. 

Par exemple, dans une étude publiée en 1995, des chercheurs américains ont observé que pour qu’un bébé soit conçu, une relation sexuelle doit avoir lieu pendant la période de 6 jours consécutifs qui se termine par l’ovulation. Cette période est appelée « fenêtre de fertilité ». Les méthodes de connaissance de la fertilité reposent en effet sur l’idée qu’en reconnaissant le moment de l’ovulation, on peut identifier les jours où il faut éviter les rapports sexuels non protégés. 

Des signes à surveiller 

Il y a toutefois un bémol : comment prédire l’ovulation ? Dans une synthèse des connaissances publiée en mai 2022, la Dre Marguerite Duane, qui enseigne l’introduction aux méthodes de contraception naturelles à l’Université Georgetown, aux États-Unis, explique que le système reproducteur féminin produit des changements physiologiques observables tout au long du cycle menstruel. 

Dans un article paru en décembre 2019, les chercheuses américaines Rebecca Simmons et Victoria Jennings énumèrent les quatre principaux signes utilisés dans les méthodes basées sur la connaissance de la fertilité. 

  • La température basale : Il s’agit de la température du corps au repos. Elle augmente d’environ 0,3 o C juste après l’ovulation en raison de l’augmentation de la progestérone. 
  • Les sécrétions cervicales : Il s’agit d’observer la présence et l’apparence du mucus qui s’écoule du col de l’utérus. Deux à trois jours avant l’ovulation, ces sécrétions deviennent plus abondantes, claires et élastiques. 
  • La durée du cycle menstruel : Chez les femmes qui ont un cycle de 26 à 32 jours, la fenêtre de fertilité se situe habituellement entre le jour 8 et le jour 19. 
  • Les hormones présentes dans l’urine : Des trousses de détection permettent de reconnaître la présence de l’hormone lutéinisante (LH), qui atteint un sommet au moment de l’ovulation. 

Cependant, selon Marguerite Duane, ces signes sont plus appropriés pour identifier la fin de la période fertile, plutôt que son début. À cela s’ajoute le fait que l’ovulation varie d’une femme à l’autre, insistent Rebecca Simmons et Victoria Jennings. Les différentes méthodes basées sur la connaissance de la fertilité proposent en fait une fenêtre de fertilité de plus de 6 jours pour diminuer les risques d’une grossesse non désirée. 

Contraception naturelle : plusieurs stratégies 

Certaines approches n’utilisent qu’un seul signe. C’est le cas notamment de la méthode Billings (analyse des sécrétions cervicales) ou de la méthode du calendrier. Selon Marguerite Duane, les stratégies basées uniquement sur la durée du cycle menstruel ne sont généralement pas assez précises. 

D’autres utilisent plusieurs signes physiologiques. C’est le cas de la méthode Marquette et de la méthode symptothermale. Il faut ensuite consigner ces informations dans des graphiques, soit sur papier, soit dans une application, recommande Marguerite Duane. 

Dans un article de 2019, Rachel Urrutia et Chelsea Polis, deux chercheuses américaines qui s’intéressent à la contraception, concluaient que seulement 14 méthodes basées sur la connaissance de la fertilité avaient fait l’objet d’études cliniques. Les nombreuses autres variations proposées aux femmes n’ont pas été testées. De plus, les études seraient peu nombreuses et généralement de faible qualité, soulignaient un an plus tôt des chercheurs américains qui ont réalisé une revue systématique de la question. 

Par ailleurs, une étude publiée en 2016 sur la performance des applications commercialisées pour éviter les grossesses notait qu’elles n’avaient pas toutes été développées en se basant sur les principes de la connaissance de la fertilité. Elles utilisaient souvent leur propre algorithme, sans avoir été évaluées dans une étude publiée et révisée par les pairs. 

Une efficacité variable 

Les chercheuses Rachel Urrutia et Chelsea Polis expliquent que lorsque vient le temps d’étudier ou de comparer l’efficacité des méthodes contraceptives, les chercheurs s’appuient généralement sur deux données distinctes : le taux d’échec en utilisation parfaite et le taux d’échec en utilisation typique. Cette dernière tient compte du fait qu’une personne normale ne suit pas toujours à la lettre les instructions. 

Résultat, décrit Marguerite Duane, ces méthodes ont un taux d’échec moyen inférieur à 5 % en utilisation parfaite. Autrement dit, elles permettent d’identifier la fenêtre de fertilité avec une assez grande précision, remarquent Rebecca Simmons et Victoria Jennings

Le problème est toutefois que beaucoup de gens n’en font pas une utilisation parfaite, et que ces méthodes sont très sensibles à une utilisation inconstante. Ainsi, si l’on mesure plutôt l’utilisation typique, le taux d’échec moyen monte à 15 % et peut même varier entre 2 et 23 %, ont écrit en 2020 Charisse Loder et Jen Villavicencio, deux médecins américains spécialistes de la contraception. 

En comparaison, la pilule anticonceptionnelle, en utilisation typique, a un taux d’échec de 7 %, les implants contraceptifs de 0,1 %, les stérilets hormonaux de 0,8 % et le condom masculin de 13 %, selon des données américaines récentes

Même les taux d’échec en utilisation typique sous-estiment probablement le risque de grossesse, remarquent Rachel Urrutia et Chelsea Polis, puisque ces résultats ont été obtenus grâce à des études où les participants étaient généralement très motivés et donc plus susceptibles de bien suivre le protocole. 

Difficiles à utiliser 

Urrutia et Polis rappellent que les méthodes basées sur la connaissance de la fertilité demandent un engagement plus important de la part de l’utilisatrice. De plus, comme le couple doit modifier ses habitudes sexuelles pendant la fenêtre de fertilité, la motivation à éviter une grossesse peut influencer l’efficacité de la méthode, ajoute Marguerite Duane. Les couples qui choisissent d’utiliser ces méthodes doivent également recevoir des instructions claires de la part d’un professionnel de la santé. 

Un bémol de plus : ces méthodes sont plus appropriées pour les femmes avec des cycles réguliers, soulignent Charisse Loder et Jen Villavicencio. Enfin, certains problèmes de santé peuvent compliquer l’interprétation des signes biologiques, ajoutent Rebecca Simmons et Victoria Jennings

Ce n’est pas un hasard, selon Loder et Villavicencio, si beaucoup de femmes abandonnent ces méthodes après moins d’un an d’utilisation. Une étude américaine publiée en 2018 a observé que les méthodes de contraception dites naturelles étaient utilisées par seulement 2 à 3 % des femmes qui avaient recours à un moyen de contraception, en 2014. 

Verdict 

Certaines méthodes de contraception dites naturelles sont meilleures que d’autres pour identifier avec précision les journées fertiles du cycle menstruel. Mais la complexité de leur utilisation diminue leur efficacité. 

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