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Attention, vous appelez peut-être un centre anti-choix 

Ce n'est pas toujours évident de savoir qu'on appelle un centre anti-choix. Photo: Ponomariova_Maria/iStock

Faire face à une grossesse non désirée nous place devant quelques options: la parentalité, l’adoption, l’avortement chirurgical ou l’avortement médical.  

Devant les possibilités, certaines personnes ont besoin d’aide et d’information pour prendre leur décision. Mais face aux stratégies insidieuses des centres anti-choix, les risques de contacter un endroit qui ne présente que les deux premières issues sont bien réels.  

Si même des député.e.s – comme Sébastien Schneeberger et Samuel Poulin de la CAQ ou encore Agnès Maltais du PQ – se font prendre en subventionnant des organisations pro-vie sans s’en rendre compte, la réalité est la même pour une personne qui vit une grossesse non voulue. 

Des signes éloquents  

Ce n’est vraiment pas qu’une affaire de politicien.ne.s: des organisations crédibles dirigent des gens vers des centres anti-choix, que ce soit par méconnaissance ou par manque de ressources, en région éloignée par exemple. Et parce que ces centres usent d’un discours trompeur, il n’est pas rare qu’une personne communique avec eux sans connaître leur vraie nature. 

Heureusement, quelques signes peuvent nous alarmer quand on sait les repérer. «Quand une personne appelle et dit qu’elle vit une grossesse, ils vont la féliciter», se scandalise Josiane Robert, directrice générale de Grossesse-Secours.  

Cet organisme et les deux SOS Grossesse sont d’ailleurs les seuls véritables centres pro-choix au Québec pour écouter et informer les personnes préoccupées par une grossesse. En contrepartie, 20 à 25 centres anti-choix sont installés dans la province. 

«Après ça, ils vont prononcer le mot “bébé” plutôt que “fœtus”, poursuit Josiane Robert. Ils vont aussi jouer sur la culpabilité en disant que la plupart des femmes qui vont avoir une interruption de grossesse vont s’en vouloir toute leur vie. Si la personne poursuit en disant qu’elle veut un avortement, ils vont finir par lui donner des numéros de téléphone de CLSC où ils ne font pas d’interruptions de grossesse.» 

Une analyse du site internet peut aussi nous indiquer à qui on s’adresse. S’il est normal qu’une personne en situation de vulnérabilité à cause d’une grossesse non désirée ne se penche pas en profondeur sur la composition du conseil d’administration de ces centres, il s’agit d’une vérification que peuvent faire les député.e.s qui envisagent de les financer.  

En entrant les noms des membres du C.A. d’un centre anti-choix dans un moteur de recherche, les chances sont grandes qu’on découvre qu’ils sont associés à des groupes religieux, comme les Chevaliers de Colomb, traditionnellement anti-choix. Les sites de ce genre d’organisations ne parleront généralement pas du tout d’avortement, contrairement à ceux de centres pro-choix. 

Miser sur l’ambiguïté  

«Les centres anti-choix ici sont très insidieux, alors on a l’impression que ce sont des centres pro-choix de par la façon qu’ils se présentent même si, dans les faits, ils ne le sont pas», explique Josiane Robert. 

Véronique Pronovost est doctorante en sociologie à l’UQAM et membre du chantier sur l’antiféminisme du Réseau québécois en études féministes. Elle explique que par leur discours et leurs stratégies, les centres anti-choix du Québec sont semblables à ceux des États-Unis. 

Le fait d’utiliser une ambiguïté [en ne s’identifiant pas clairement comme anti-choix] fait partie de ce répertoire de stratégies, parce que si on visait uniquement des personnes qui sont déjà contre l’avortement, on ne convaincrait personne. Entretenir cette ambiguïté-là permet de viser des personnes qui sont elles-mêmes ambiguës face à l’avortement ou même qui sont pour le droit à l’avortement et de les convaincre de mener la grossesse à terme.

Véronique Pronovost, doctorante en sociologie à l’UQAM 

La doctorante, qui était adjointe de recherche dans le cadre de la seule étude qui portait sur ce genre de centres au Québec, ajoute que bien d’autres stratégies sournoises existent, comme se situer près d’une clinique qui pratique l’avortement.  

Les organisations anti-choix vont également proposer des services pour attirer les gens dans leurs locaux, par exemple en offrant des tests de grossesse gratuits ou en ayant un comptoir vestimentaire, parfois le seul à des kilomètres à la ronde. C’est justement pour cette raison que certains CISSS de région continuent de diriger le public vers des centres pro-vie.  

De sérieuses conséquences 

Aucune statistique n’existe au sujet du nombre de personnes qui appellent dans un centre anti-choix, encore moins à propos de la proportion de personnes qui se retrouvent à retarder leur avortement ou à être traumatisées par la conversation culpabilisante qu’elles auront subie. Mais les conséquences sont bien réelles. 

«L’enjeu, c’est aussi que lorsqu’on retarde l’avortement par la prise d’un rendez-vous dans un centre anti-choix, il peut y avoir une semaine ou deux qui vient de passer, souligne Véronique Pronovost. La grossesse continue d’avancer pendant ce temps-là. Tout dépendant de la région dans laquelle on se trouve, des fois ces semaines-là sont extrêmement précieuses pour avoir accès aux services.»  

Perdre la possibilité d’avoir un avortement médical ou devoir se déplacer hors de sa région pour avoir une interruption de grossesse sont des phénomènes peu étudiés, mais observables au Québec en raison des centres pro-choix.  

Et ça, c’est sans compter la désinformation médicale qui est faite par les organisations anti-choix, qui vont jusqu’à prétendre que l’avortement donne le cancer du sein ou qu’il rend infertile.  

«Je ne comprends pas qu’à ce jour, il n’y ait pas d’ordres professionnels ou même de campagnes du gouvernement du Québec pour contrer cette désinformation, qui est vraiment le nerf de la guerre», s’indigne Véronique Pronovost. 

Il n’y a que trois centres pro-choix au Québec qui dirigent les personnes qui le souhaitent vers des cliniques d’avortement. Ces centres peuvent aussi aider à prendre une décision concernant une grossesse en offrant de l’écoute et de l’information. Leurs services sont disponibles au téléphone pour les gens en dehors de leur région.  

SOS Grossesse Québec 
1433, 4e Avenue, à Québec 
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