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Le rôle des corsaires démystifié

Photo: Benjamin Aubert/Métro

La plus récente édition des Fêtes de la Nouvelle-France qui s’est terminée dimanche fut une nouvelle fois une occasion pour les citoyens de Québec et touristes d’en apprendre davantage sur l’histoire du territoire sur lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Parmi les nombreuses conférences proposées par les organisateurs de l’événement, l’une d’entre elles a porté sur le monde des corsaires. Rencontre avec l’historien Samuel Venière, spécialiste de l’histoire navale.

Q: Qui étaient les corsaires?

R: Corsaires, pirates, flibustiers. Parfois on mêle un peu les termes. Les corsaires, ce sont des équipages qui font la course aux navires marchands des nations ennemies et ils ont un permis pour le faire. Ce permis leur permet de chasser des navires sous tel pavillon, pendant tel nombre de jours, dans telle zone géographique. Les pirates font la même chose, mais sans permis, donc quand ils se font attraper, c’est la peine de mort puisqu’ils sont considérés comme des criminels. Le corsaire, lui, il est protégé par les lois de guerre. Sa lettre de marque, son permis et sa commission de course lui permettent plutôt de devenir prisonnier de guerre.

Q: Pendant quelle période est-ce qu’on retrouve des corsaires?

R: Depuis les tous débuts de la colonie, le destin de la Nouvelle-France est relié à celui des corsaires. On peut penser à Jean-François de La Rocque de Roberval qui vient remplacer Jacques Cartier en 1540. C’est un commerçant qui a fait fortune en pillant des navires anglais sous prétexte qu’ils transportaient des marchandises espagnoles. Tout son établissement aujourd’hui est un site archéologique important, l’établissement de Charlesbourg-Royal. Ça a été financé par la flibusterie. En 1629, Québec tombe aux mains des frères Kirke qui sont des corsaires qui travaillent pour l’Angleterre. Donc, des débuts jusqu’à la toute fin en 1759, les corsaires sont présents en Nouvelle-France et plus particulièrement à Québec puisque c’est un port important où on arme des navires et équiper des équipages pour partir faire la guerre de course contre l’ennemi.

Q: Dans votre conférence, vous parlez d’un personnage, Jacques Kanon. Ce n’est pas un personnage fictif. C’est un individu qu’on a retrouvé au 18e siècle. Qui est-il?

R: C’est un navigateur qui vient de la ville de Blais, près de Bordeaux, sur la côte ouest de la France. Né en 1726, il embarque sur un navire dès l’âge de 12 ans. Il fait des voyages transatlantiques et accumule une expérience assez fantastique comme commerçant, mais aussi dans la marine royale française et comme corsaire. Quand la guerre de Sept Ans éclate en 1756, on reconnaît tout de suite ses compétences puisqu’on a besoin de capitaines compétents. Jacques Kanon est donc engagé par la couronne française pour ravitailler la Nouvelle-France qui a grand besoin d’armes, de munitions, de vivres, de nourriture puisqu’elle est attaquée par les Anglais. Sa flotte de navires est une des seules flottes à réussir à mouiller devant Québec en 1759 et c’est un exploit parce que les Britanniques bloquent le fleuve Saint-Laurent. Il ne peut pas changer le cours de la guerre, mais il réussit quelques exploits et continue sa carrière longtemps après la chute de la Nouvelle-France.

Q: Ce ne sont pas seulement les Français qui avaient des corsaires. Chaque nation en avait, c’est bien ça?

R: Exactement. Chaque nation engageait des corsaires lorsque c’était les temps de guerre. Le but était de déstabiliser le commerce ennemi. C’était une belle façon d’augmenter la flotte sans que ça coûte quoi que ce soit parce qu’on permettait tout simplement à des navires marchands de porter des canons, de porter le drapeau royal et de s’attaquer à des navires ennemis. Tout ce que ça coûte, c’est le permis à donner. Ça permet donc de gonfler la marine de façon spectaculaire en décernant des commissions de courses à droite et à gauche aux commerçants qui sont prêts à s’engager là-dedans. C’était quand même assez risqué pour eux. Il pouvait il y avoir des batailles navales, de la riposte et de la violence.

Q: Est-ce qu’on a une idée du nombre de corsaires qu’il y avait?

R: On parle de quelques dizaines. Ça dépend des époques. En période de guerre, ils sont très nombreux. Dans les périodes de paix, ils sont beaucoup moins.

Q: Sur un plan plus personnel, votre intérêt pour les corsaires et cette époque-là, ça vient d’où?

R: J’ai découvert l’histoire navale il y a environ une dizaine d’années. C’est un tout autre monde que l’histoire à terre. C’est un univers avec son propre langage et sa propre culture. J’ai trouvé ça fascinant tout de suite. Ce qui m’a fasciné dans le cas de Jacques Kanon, c’est son nom de famille. C’est ce qu’on appelle un aptonyme, soit un nom de famille dont le sens est relié à la carrière. C’est donc assez amusant et suite à ça, j’ai découvert un pan de l’histoire qui est assez méconnu.

Q: Pourquoi c’est important pour vous de raconter cette histoire-là?

R : Jacques Kanon est un personnage très actif à Québec pendant le siège de 1759 et on ne retient que les noms de Montcalm, Wolfe et Bougainville. On oublie qu’il y a de multiples acteurs qui ont joué un rôle important. Malgré les grandes batailles qui ont eu lieu à terre, il y a aussi eu des combats navals qui ont eu lieu. Jacques Kanon est un personnage méconnu. Il n’y a pas de place publique à son nom, il n’a pas de monument… Il y a une rue à Lévis qui porte son nom depuis peu, mais il reste du travail à faire.

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