Chrystine Brouillet s’attaque aux féminicides

L’autrice Chrystine Brouillet a publié son 20^e roman mettant en vedette l’enquêteuse Maude Graham, Une de moins, le 5 octobre dernier. Comme à son habitude, l’autrice de Loretteville s’est inspirée de l’actualité pour ficeler l’histoire de son nouvel opus et la pandémie lui a fourni énormément de matériel, pour le meilleur et pour le pire.

Aux alentours de la mi-mars 2020, le gouvernement du Québec proclamait le tout premier confinement en lien avec la pandémie de Covid-19. «Le 18 mars, j’écrivais dans mes notes: « que vont devenir les femmes enfermées avec leurs bourreaux? »», se souvient l’écrivaine. La suite des choses lui donnera raison de s’être posé cette épineuse question, alors que 44 féminicides ont été rapportés entre 2020 et 2021.

Pendant que tous essayaient de se changer les idées de la pandémie et de ses impacts sur le quotidien, Chrystine Brouillet notait tout dans son «journal de pandémie». «Je ne me suis pas concentrée que sur les dates marquantes, comme l’arrivée du masque ou le début de la vaccination. J’ai commencé à prendre note des changements de comportement des gens, des modifications dans les relations interpersonnelles. Puis au fur et à mesure, j’étais alarmée par le nombre de femmes qui vivaient de la violence.»

Elle a donc noté le nom de chacune des victimes dans ses carnets, avant de les énumérer au fil de son nouveau roman. «J’avais déjà écrit sur la violence conjugale, raconte l’autrice. Naïvement, je pensais que les choses allaient s’améliorer, mais c’était sans compter sur les effets pervers de la Covid-19.»

Au cœur du drame

En tant que policière, le personnage de Maud Graham vit de très près la violence envers les femmes, puisque les demandes d’intervention explosent depuis le début du confinement.

En constatant la vague grandissante de ces meurtres au Québec, elle se sent impuissante en pensant à ces victimes qu’on n’arrive pas à protéger. C’est lorsqu’un nouveau drame survient à Québec, que la protagoniste constate que ce féminicide dissimule une autre réalité, tout aussi violente et inquiétante.

Contrairement à plusieurs artistes qui ont voulu éviter de teinter leurs projets aux couleurs de la pandémie, Chrystine Brouillet a sauté à pieds joints dans le sujet. «Je ne voulais pas que l’histoire se déroule en parallèle de la Covid, je tenais à montrer tout ce que ça a changé dans la vie des personnages, comme dans le monde réel», explique-t-elle.

En plus des aléas désagréables de la vie en temps de pandémie, la prolifique autrice s’est penchée sur un autre grand phénomène exacerbé par l’isolement obligatoire: les célibataires involontaires, plus connus sous le terme anglais incel.

Ces hommes très frustrés de ne pas attirer la gent féminine développent une haine vive des femmes qu’ils déversent sur les réseaux sociaux, souvent derrière des comptes anonymes. «Je me suis beaucoup intéressée à ces individus-là, parce que c’est un sujet que je trouve fascinant et hautement inquiétant à la fois. Leur manière d’opérer collait très bien avec l’histoire que j’ai imaginée», confie celle qui a fait de sa colère un moteur pour son dernier ouvrage.

Grand plateau

En 2022, Chrystine Brouillet fête ses 40 ans de carrière en publiant son 20^e roman mettant en vedette Maud Graham. Deux grandes réalisations que l’autrice n’aurait jamais pensé atteindre, même dans ses rêves les plus fous.

«Je considère que j’ai une chance inouïe d’être lue et appréciée après autant d’années. Jamais je n’aurais pensé pouvoir aller aussi loin avec le seul personnage de Maud Graham, soutient-elle. Je suis fière d’avoir créé une héroïne à laquelle le public peut s’identifier en raison de son humanité et de ses failles.»

L’écrivaine conclut en disant qu’elle «n’en a pas fini avec Maud Graham» et qu’elle continuera de se renouveler dans les prochaines années.

Le roman Une de moins de Chrystine Brouillet publié chez les Éditions Druide est disponible dans les librairies du Québec depuis le 5 octobre.