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Le milieu de l’horreur réagit à la décision d’Yvan Godbout

Quelques heures après avoir fait son annonce, Yvan Godbout a tenu à préciser dans une vidéo que malgré sa décision, il était très heureux pour sa maison d’édition et pour ses collègues auteurs dont les livres seront prochainement adaptés à la télévision. Photo: Capture d'écran

Une véritable commotion frappe le milieu de l’horreur depuis que l’auteur Yvan Godbout a annoncé qu’il mettait fin à sa carrière. Métro a recueilli les réactions d’artistes et de critiques évoluant dans cette sphère culturelle plus que populaire.

Exaspéré que les médias le présentent uniquement «à travers l’affaire Hansel et Gretel», Yvan Godbout a annoncé hier qu’il mettait fin à sa carrière.

«Les médias n’ont qu’une façon de me présenter, et n’en auront toujours qu’une: à travers l’affaire Hansel et Gretel, froidement et sans nuances», a écrit l’auteur sur Facebook ce lundi.

Son éditeur AdA et lui ont été poursuivis par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) pour production de pornographie juvénile dans le roman Hansel et Gretel, un procès qui s’est terminé par un acquittement en 2020. Cette poursuite faisait suite à la plainte d’une enseignante qui avait jugé «trop explicite» un passage du livre décrivant l’agression sexuelle d’une fillette de neuf ans par son père.

Si certaines personnes n’ont pas souhaité commenter sa décision, dont le président du Groupe AdA, François Doucet, plusieurs ont manifesté de la tristesse face à cette nouvelle.

Pour l’auteur et éditeur pour Les Six Brumes Jonathan Reynolds, cette histoire n’a aucun sens.

«Parce qu’une personne a été heurtée dans sa sensibilité – et pourtant, c’est un roman d’horreur pour adultes, pour public averti, c’est indiqué sur le livre – un auteur innocent en souffrira toute sa vie. Même si la justice l’a innocenté, le mal est fait», soutient Jonathan Reynolds.

Les blessures qu’il porte désormais sont bien pires que quelques mots, quelques phrases dans une histoire de fiction.

Jonathan Reynolds, auteur et éditeur pour Les Six Brumes

Si pour le rédacteur en chef du site Horreur Québec, Marc Boisclair, Yvan Godbout a fait avancer la cause de la liberté d’expression, le prix est trop lourd à payer.

«C’est toujours triste de perdre une voix en littérature et celle d’Yvan avait entre autres servi à faire avancer la cause de la liberté d’expression artistique, affirme Marc Boisclair. Il en paie malheureusement encore le prix aujourd’hui et, même si l’on souhaite tous qu’il change éventuellement d’idée, avec toute l’énergie négative que la situation doit lui occasionner, on ne peut pas le blâmer de vouloir privilégier sa santé mentale.»

Même s’il n’a jamais lu les livres de l’auteur, le youtubeur et animateur d’Horreur FM, Daniel Leblanc, trouve dommage que cet événement pousse Yvan Godbout à prendre sa retraite de l’écriture. «Il a été acquitté, il devrait avoir le droit de passer à autre chose et les gens devraient aussi.»

Acquitté oui, mais pour certains, ce procès n’aurait jamais dû avoir lieu. Chroniqueur pour Horreur Xpress et critique pour Horreur Québec, Jean-François Croteau pointe du doigt le DPCP.

Le système a littéralement anéanti cet artiste en le traitant comme un criminel. Avez-vous une idée du nombre de chefs-d’œuvre auquel nous n’aurions jamais eu droit si tous les auteurs avaient subi un sort pareil?

Jean-François Croteau, critique de cinéma

Même son de cloche du côté de l’auteur Philippe-Aubert Côté, qui dit n’avoir jamais compris «ce procès échappé tout droit du 19e siècle».

«La décision – très compréhensible – d’Yvan conforte ma perception que cette affaire n’a sauvé personne, mais a fait une victime, Yvan Godbout. Je peine à y voir autre chose qu’un symptôme de faillite humaine, morale et éthique de notre société.»

Censure et cancel culture

Si elle n’a jamais été poursuivie en justice, la réalisatrice Izabel Grondin comprend ce que vit Yvan Godbout, ayant dû faire face à plusieurs reprises à de la censure et à des préjugés.

«Ça me trouble beaucoup», mentionne la réalisatrice, faisant également un parallèle avec le maquilleur spécialisé en horreur Rémy Couture, lequel a dû faire face il y a une dizaine d’années à trois chefs d’accusation de corruption de mœurs pour production, possession et diffusion de matériel obscène sur son site Internet.

Le jury avait conclu que le matériel de Rémy Couture, bien que violent et dérangeant, constituait de l’art. Le maquilleur avait donc été acquitté des accusations portées contre lui.

«Rémy et Yvan ont vécu le calvaire», constate Izabel Grondin. Si Rémy Couture s’en est bien sorti, elle comprend la décision d’Yvan Godbout, qui doit être «écœuré» que sa carrière se résume à ce procès.

Pour la réalisatrice, le cas d’Yvan Godbout illustre plus largement les conséquences de la cancel culture (culture de l’annulation) sur les individus. «Il y a des gens qui ne sont plus capables d’être dans un contexte où l’on doit toujours plaire à tout le monde et, surtout, ne choquer personne.»

Quand on est un créateur qui carbure au malaise, à l’interdit, aux sensations fortes, c’est extrêmement pénible.

Izabel Grondin, cinéaste

Un rejet de l’univers de création de ces artistes, c’est ainsi qu’elle définit le phénomène de la cancel culture. Si Izabel Grondin en veut à l’enseignante à l’origine de la plainte contre le livre Hansel et Gretel, elle en veut encore plus à ceux qui lui ont accordé du crédit.

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