Peut-on blanchir un arc-en-ciel?
Le greenwashing, c’est pas le principe de frotter sa lessive avec une poignée de brins d’herbe; c’est, pour une entreprise, prétendre que l’environnement lui tient énormément à cœur, même si elle fait son argent à domper de vieilles canisses de peinture au plomb dans le fleuve.
Si on y met un peu du sien pis assez d’eau de Javel, il est possible de délaver bien plus que le vert, grâce au rainbow-washing. L’exercice consiste à prétendre, le temps d’un défilé de la Fierté, que les droits des personnes LGBTQ+ nous tiennent à cœur. Tu remplaces le petit arc-en-ciel «ça va ben aller» par un arc-en-ciel «Yas queen!» et c’est tiguidou.
Oh, certes, deux tiers des personnes concernées ont été victimes de harcèlement au travail selon la Fondation Émergence, mais c’est parce qu’elles travaillent dans les autres compagnies. Nous, on est un milieu inclusif, check le drapeau dans notre logo!
Des fois, c’est un peu comme si le Colonel Sanders faisait flotter le drapeau de la fierté tofu. Bel essai, mais on voit à travers la panure de ton hypocrisie.
Au Canada, parce que nous sommes un pays développé, les entreprises n’ont pas le droit de faire des contributions politiques. Mais dans les pays du tiers-monde, comme les États-Unis, c’est permis. C’est ainsi que 25 des plus grandes corporations américaines (incluant Disney, Walmart, Home Depot, Google et Facebook) qui participent au Pride Month en juin donnent aussi généreusement à des politiciens ouvertement anti-LGBTQ+ le reste de l’année. Ça en prend pas mal, des remakes de La Belle et la Bête avec un personnage vaguement gai dans le background, pour défaire ce qu’un politicien comme Ron DeSantis fait comme dommages. Une perceuse arc-en-ciel, c’est bien, Home Depot. Ne pas donner presque un million de dollars à des homophobes, c’est mieux.
Ce qui est mieux, aussi, c’est de ne pas oublier l’idée de départ de la Fierté: valoriser les gens faisant partie de la communauté et militer pour leurs droits. Du coup, chère grosse banque qui pensait, mettons, demander à des artistes LGBTQ+ de faire une murale pour gratisse/de la visibilité/sensibiliser à «la cause», tu passes pas mal à côté. Comme si t’avais pas de p’tit change qui traînait entre les craques de ton divan de milliards de dollars de profits. Fais un effort, et tu pourras te vanter de mettre le trans- dans «transactions».
Ça restera toujours un peu étrange que notre soie dentaire préférée soit soudainement emballée dans le drapeau LGBTQ+, afin de nous sensibiliser aux injustices à chaque récurage de prémolaires. Acte de sensibilisation ou récupération? Quand on répond B, on se fait souvent accuser de faire pipi sur la parade des pauvres entreprises qui veulent juste bien faire. Justement, tant qu’à bien faire, essayez de ne pas vous mettre dans nos jambes en voulant voler le spotlight avec vos initiatives qui ne servent que vos intérêts. L’émeute de Stonewall n’était pas présentée par The Brick, et le raid du Sex Garage (googlez cette histoire!) n’était pas commandité par Nissan.
S’il faut absolument vivre dans le capitalisme (on a vérifié, pis semblerait qu’on est pognés avec), aussi bien que ça serve: arrangez-vous pour que votre prochain sac banane arc-en-ciel avec votre logo d’entreprise soit bourré de cash pour des associations LGBTQ+ pis des programmes d’inclusion en ressources humaines si on est pour se trémousser avec en chantant du Britney sur René-Lévesque.