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Un nouveau projet de troisième lien entre Lévis et Québec, mais toujours pas d’études

Genevieve Guilbault
Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable Photo: Benjamin Aubert / Métro
Maude Brunet - HEC Montréal - La Conversation

ANALYSE | L’annonce de la CAQ, jeudi, à l’effet que le troisième lien entre Québec et Lévis sera consacré exclusivement au transport en commun est certes positive, mais il reste de nombreux questionnements en suspens, notamment en lien avec la viabilité même du projet.

C’est un pas dans la bonne direction. Cela fait en effet des mois que nous attendons d’en savoir plus sur les études réalisées dans le cadre de ce projet. De nombreux experts s’y étaient ouvertement opposés. Mais une fois ce recul annoncé, il faudra bien faire face aux enjeux actuels, notamment les changements d’habitudes liés au télétravail, et articuler des éléments de solution pour aborder la mobilité dans la région de Québec.

Étant moi-même impliquée dans ce débat d’actualité, et experte en grands projets d’infrastructure publique, je ne peux prétendre à la neutralité. Ce que je peux avancer par contre, en me basant sur les données scientifiques et les recherches sur ces questions, c’est qu’il serait impératif à ce stade que les citoyens et membres de la société civile puissent accéder aux analyses et hypothèses, suggérer des solutions, voire remettre en question les fondements mêmes de ce projet.

Déterminer les meilleures solutions

Il y a des infrastructures vieillissantes. C’est établi. Le pont de Québec a plus de 100 ans, et le pont Pierre-Laporte, plus de 50 ans. Quant au pont Champlain, récemment déconstruit à Montréal, il aura survécu moins de 60 ans, quoique le nouveau devrait en théorie tenir 125 ans. Il y a un projet de tramway au centre-ville de Québec qui avance tant bien que mal depuis quelques décennies, qui converge et diverge au gré des acteurs politiques et des coalitions d’acteurs en place. Et il y a une transition écologique, qui demande une modification en profondeur des façons de travailler, de se transporter et de consommer.

Est-ce que creuser un tunnel, entre les centres-villes de Québec et de Lévis, même si cela permet seulement le transport en commun, est réellement la meilleure solution ? Quelles sont les alternatives ? Pourrions-nous prendre part à cette réflexion, nous les citoyens, membres de la société civile, et les experts sur ces questions ?

Pourquoi le parti au pouvoir, la CAQ, qui a défendu le projet du troisième lien malgré tous les avis d’experts et de la science, propose-t-il maintenant une nouvelle solution, sans que plus d’études soient rendues publiques ? Celles-ci devraient inclure des projections d’achalandage ainsi que les coûts et les bénéfices que ce projet pourra engendrer. Il serait intéressant et important de considérer ces enjeux de façon proactive et concertée, plutôt que de réagir et de se repositionner au gré des vagues de l’opinion publique.

Prendre en compte les nouvelles données

Il faut désormais considérer l’acceptabilité sociale dans les grands projets publics. On l’a vu récemment dans le cadre du projet du REM de l’Est. Les résidents vivant à proximité de l’infrastructure proposée en structure aérienne craignaient une perte de leur qualité de vie. Les acteurs clés de l’Est, les sociétés de transport et les municipalités impactées par le projet n’avaient pas été consultés, notamment sur l’arrimage entre le REM et les infrastructures existantes.

Le repositionnement du projet de troisième lien permet d’envisager une contribution importante du gouvernement fédéral. Ottawa inclut dans ses critères de financement les infrastructures de mobilité durable.

Cependant, au-delà de la solution envisagée, et mise de l’avant sans explications, il faut que le gouvernement caquiste prenne en compte les données sociales, environnementales et systémiques. Par exemple, il faut considérer les flux de transport de personnes, de matériel, mais également miser sur des incitatifs pour régulariser le trafic dans les heures de pointe, en considérant notamment ceux offerts aux fonctionnaires et aux personnes qui adoptent le transport en commun. Ces enjeux sont non seulement contemporains, ils sont extrêmement complexes et ne peuvent être appréhendés que par une seule perspective ou expertise.

Il faut cesser de glorifier les grands projets

Si on veut induire du changement, développer le réseau de transport en commun et limiter les coûts en lien avec les infrastructures publiques (autant pour les coûts de projets que de maintien des actifs sur leur durée de vie), on doit réfléchir à ces enjeux en commun, en amont, avec transparence et ouverture aux solutions alternatives, et ne pas improviser en cours de route.

Toute solution ne passe pas nécessairement par de nouvelles constructions. Nous devons être créatifs, et penser autrement, en nous guidant avec ce que la science, aussi interdisciplinaire soit-elle, a à offrir en termes de réponses.

Des grands projets publics, il faut en concevoir. Certains sont incontournables, d’autres sont vraiment intéressants en termes de bénéfices générés versus les coûts investis. Cependant, il faut arrêter de glorifier les grands projets et de vouloir en réaliser à tout prix, coûte que coûte.

La sobriété et la décroissance sont de plus en plus en vogue, et il serait intéressant d’entrevoir des solutions qui permettent de réellement diminuer notre empreinte et notre consommation énergétique. Par ailleurs, ceci n’est pas une vision seulement centrée sur Québec. Le mégachantier de refonte de l’autoroute métropolitaine à Montréal est actuellement en phase d’avant-projet, et nous espérons que des idées audacieuses, inspirées par la nature et rehaussant le bien-être des communautés, pourront influencer la conception et la revitalisation des infrastructures de mobilité urbaine d’aujourd’hui et de demain.

Maude Brunet, professeure de gestion de projet, HEC Montréal

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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