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Toujours pas de contrôle des armes de poing 5 ans après la mosquée

Tribune libre Métro
Photo: Infographie Métro Média

Dans deux jours, cinq années se seront écoulées depuis qu’un jeune homme ait abattu six de nos frères, blessant sévèrement cinq autres (dont un qui est devenu paraplégique), traumatisant à vie trentecinq autres rescapés dont trois enfants en plus des centaines de fidèles fréquentant la Grande Mosquée de Québec, et ébranlant la population entière de la ville de Québec, le tout, en moins de deux minutes. Il nous est toujours pénible de savoir que le tueur a utilisé une arme de poing de marque Glock (modèle « 17 Gen 5 9mm ») et cinq chargeurs de dix balles pour réaliser son crime. ll possédait au moins cinq autres armes, dont un pistolet SIG Sauer et trois armes d’assaut. Toutes ces armes ont été acquises légalement.

Il est absolument néfaste et honteux de constater qu’en cinq ans, RIEN n’a été fait pour changer les circonstances ayant permis à cet individu d’acquérir ou de garder un tel arsenal. En d’autres mots, un individu avec le même profil pourrait aujourd’hui posséder les mêmes armes et accessoires. Bien qu’il ne soit plus possible d’acquérir des armes d’assaut grâce aux décrets fédéraux annoncés en mai 2020, celles qui existaient avant cette date demeurent entre les mains de leurs propriétaires (en attendant le déploiement du programme de rachat).

Mais le pire, c’est en ce qui concerne les armes de poing : elles continuent de se vendre au Canada, et à des niveaux record. En effet, le nombre d’armes de poing possédées par des citoyens ordinaires continue d’augmenter de manière fulgurante. Selon les données provenant du ministère de la Sécurité publique fédéral, il y avait plus d’un million (1 098 244) de ces armes enregistrées au Canada en 2019. Ceci représente environ 630 000 armes supplémentaires comparativement à 2012 (alors qu’il y en avait 467 146). C’est dire que leur nombre a plus que doublé en moins de 10 ans ! Leur nombre aujourd’hui, en 2022, (qui n’est pas disponible publiquement) est certainement encore plus élevé.

Et pour insulter encore plus les victimes du massacre à notre lieu de prière, le manufacturier Glock a déclaré que ses ventes canadiennes d’armes de poing ont connu une augmentation en 2020 de façon inégalée, et ce, grâce à la demande élevée pour le même modèle utilisé pour tuer et blesser nos confrères, soit le pistolet « G17 Gen 5 », outre le plus petit modèle « G19 Gen 4 » adaptée pour se conformer aux lois canadiennes. En plus d’avoir observé « une hausse constante ces dernières années », le directeur des ventes canadiennes de Glock précise que son chiffre d’affaires a bondi de plus de 20 % en 2020, avec plus de 15 000 de pistolets vendus.

Selon nous, cette situation est entièrement due à l’inaction du gouvernement fédéral, qui détient la responsabilité du Code criminel qui classifie les armes « sans restrictions », « à autorisation restreinte » ou encore « prohibées », cette dernière étant la catégorie dans laquelle les armes de poing devraient se retrouver.

Si nous vous écrivons aujourd’hui, c’est pour vous supplier d’arrêter vos démarches visant à déresponsabiliser le gouvernement fédéral face au dossier des armes de poing. En effet, aux grands désarrois et désaccord des groupes de citoyens qui militent depuis des années pour le contrôle des armes, vous avez annoncé lors des dernières élections votre intention de transférer la capacité d’interdire les armes de poing aux provinces, et ce, à la suite du rejet quasi unanime de l’idée de transmettre cette responsabilité aux municipalités comme proposé dans le projet de loi C21, mort au feuilleton depuis. Or, mis à part la motion de l’Assemblée nationale du Québec adoptée dans la foulée des réactions négatives au dépôt du C21 en février 2021, aucun gouvernement provincial n’a à ce jour exprimé un intérêt à statuer dans ce champ de compétence, incluant le gouvernement du Québec. Au contraire, au moins trois provinces, dont l’Ontario, se sont mêmes montrées ouvertement hostiles aux interdictions de certaines armes.

Ainsi, même si le gouvernement du Québec décidait d’interdire les armes de poing sur son territoire, leur prolifération dans le reste du Canada se poursuivrait : il s’agirait, après tout, d’une interdiction auprès d’une seule des treize juridictions canadiennes. Ainsi, les armes de poing continueraient à se vendre dans les autres provinces et territoires et finiraient par se retrouver dans les rues des villes du Canada, incluant Montréal (en plus de celles qui traversent la frontière américaine). Rappelons, à titre d’exemple, que l’arme de poing utilisée dans la tuerie de masse à Danforth (Toronto) avait été volée d’un commerce légal au Saskatchewan. En d’autres termes, une entente entre le Québec et Ottawa permettant l’interdiction provinciale des armes de poing se ferait aux dépens de la sécurité de tous les autres citoyens canadiens, et viceversa.

Monsieur le premier ministre du Canada et monsieur le ministre de la Sécurité publique fédérale, nous vous prions respectueusement d’écarter l’idée de remettre aux provinces la responsabilité de l’interdiction des armes de poing. Il en va de la responsabilité du gouvernement fédéral de légiférer dans ce sens pour que le processus soit mis en œuvre par vous d’un océan à l’autre. Vous le savez bien, nous ne sommes pas seuls à nous opposer à l’idée des interdictions locales ou provinciales. En effet, la grande majorité des Canadiens souhaite une interdiction pancanadienne des armes de poing, soit sept sur dix personnes interrogées.

La commémoration de la tragédie de la Mosquée du 29 janvier 2017 ravive de pénibles souvenirs et nous appelle tous à prendre nos responsabilités pour que notre pays soit sécuritaire pour un meilleur vivre ensemble. En espérant pouvoir très bientôt connaître vos intentions à ce sujet, vous prions de bien vouloir accepter nos salutations les plus respectueuses et l’expression de notre haute considération.

Boufeldja Benabdallah et Mohamed Khabar, porte-parole de la grande mosquée de Québec. Avec l’appui de:
Maxime Riera, Association des Étudiants de Polytechnique et Mouvement étudiant Pas_Ici
Wendy Cukier, Coalition pour le contrôle des armes
Ken Price, Claire Smith, Danforth Families for Safe Communities
Luna Vadlamudy, Émile Tremblay, Raphael Laurence et Alice Benoit, Ensemble pour Thomas
Louise de Sousa, Kathlene Dixon, Meaghan Hennegan, Familles liées à Dawson
Nathalie Provost, Serge StArneault, Suzanne LaplanteEdward, Jim Edward, Jimmy Edward, Sylvie
Haviernick, Heidi Rathjen, PolySeSouvient

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