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Interpellations aléatoires interdites: «pas une attaque contre le travail des policiers»

Photo: iStock

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qualifie d’historique la décision rendue par la Cour supérieure du Québec déclarant inconstitutionnelles les interpellations aléatoires, alors que l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) déclarait mercredi qu’elle nuirait à la sécurité routière.

La Commission rappelle que le groupe d’action contre le racisme mis en place par la CAQ où siège notamment Christopher Skeete, aujourd’hui ministre responsable de la Lutte contre le racisme, voulait justement voir cesser les interpellations aléatoires sur la route.

Il faut mettre fin au profilage racial trop souvent observé lors des interpellations policières, ce qui signifie qu’il faut mettre fin aux interpellations policières aléatoires.

Le rapport de décembre 2020 du groupe d’action contre le racisme du Gouvernement du Québec

En entrevue, la vice-présidente de la CDPDJ, Myrlande Pierre, estime que cette décision rendue par la Cour supérieure est la continuité d’une série de mesures qui permettront «d’éradiquer ce mal social [NDLR: le profilage racial] qui est une déclinaison du racisme systémique».

«Pour les populations qui sont la cible de cette pratique, ça va renforcer leur sentiment d’appartenance à notre société en tant que citoyens et citoyennes à part entière», souligne également Mme Pierre.

François Legault, en point de presse le 26 octobre, n’a toutefois pas été en mesure de dire s’il contesterait ou non le jugement: «C’est un long jugement, on n’est pas là, on va l’analyser.» Il a également réitéré sa confiance envers les corps policiers.

Quand on parle d’interpellations aléatoires, il faut comprendre qu’il faut laisser les policiers faire leur travail. Quand on voit la violence qu’il y a à Montréal dans certains quartiers… 

François Legault, premier ministre du Québec

La CDPDJ assure que l’inopérabilité de l’article 636, déclarée par le jugement du juge Michel Yergeau, «n’est pas une attaque contre le travail des policiers, bien au contraire». Elle rappelle que «toute organisation est amenée à s’améliorer» et salue les différentes formations mises en place par les postes de police visant à lutter contre le profilage racial.

La CDPDJ rappelle que le jugement rendu par la Cour supérieure «porte uniquement sur la mesure des interceptions routières sans motif réel, [et que] ça ne concerne pas les autres pratiques et moyens utilisés par la police pour assurer la sécurité publique, dont les barrages routiers». La Commission renvoie au point 22 du jugement, se trouvant en page 5, qui souligne que le «jugement ne porte donc que sur [cette] pratique policière spécifique», celle des interpellations aléatoires.

«Ce phénomène est aujourd’hui connu, documenté et nommé pour ce qu’il est: le profilage racial», lit-on dans le jugement.

Le jugement du juge Michel Yergeau rendu public le 25 octobre détermine que l’article 636 du Code de la sécurité routière permettant les interpellations aléatoires d’usagers de la route sans motif valable est inopérable et inconstitutionnel en vertu des articles 7 et 9 ainsi que du paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés canadienne. «Pour banales qu’elles puissent paraître, ces interceptions routières se révèlent intolérables aux intéressés puisqu’elles reposent sur des apparences et des préjugés plus ou moins conscients associés à la couleur de leur peau plutôt que sur un objectif de sécurité routière», peut-on lire dans le jugement.

Une mesure pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies?

Pierre Brochet, président de l’ADPQ, explique que l’article 636 du Code de la sécurité routière existe pour «lutter contre la conduite avec facultés affaiblies».

L’inquiétude de l’ADPQ est principalement due à l’importance de cet article dans la lutte à la conduite avec facultés affaiblies, assure le président de l’association, Pierre Brochet également chef de police du Service de police de Laval (SPL).

Selon lui, les interceptions de véhicules au hasard ont un impact direct sur la baisse du nombre de morts liées à la conduite avec facultés affaiblies.

Il n’y a aucune donnée permettant «d’établir une corrélation entre le recours spécifique aux interceptions routières sans motif réel et le fléchissement des infractions au Code criminel et au Code de la sécurité routière», rappelle toutefois le jugement en page 133, au point 690.

En 1973, l’année de la tombée de l’arrêt Ladouceur, permettant aux policiers de procéder à des interpellations aléatoires visant à cesser le «carnage» se produisant sur les routes du Québec à l’époque, «plus de 2000 personnes sont mortes» pour cause de conduite avec les facultés affaiblies.

Selon l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), 347 personnes sont décédées pour les mêmes causes en 2021.

Plusieurs mesures ont été mises en place au Québec pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Sur le site de l’INSPQ, on nomme, entre autres, la tolérance zéro pour les nouveaux conducteurs, la suspension du permis de conduire dès la première offense, la saisie du véhicule à la deuxième offense, l’imposition de l’utilisation d’un antidémarreur éthylométrique. «De plus, des programmes d’application sélective de la loi ont été implantés et des campagnes de sensibilisation ont été réalisées», peut-on également lire.

Rappelons que les policiers ont toujours le doit d’interpeller un conducteur s’ils ont des motifs valables de croire que celui-ci enfreint le Code de la sécurité routière.

M. Brochu réitère également son inquiétude de voir l’article 636 du Code de la sécurité routière devenir inopérable «du jour au lendemain», même s’il reconnaît que l’article 636 mène à du profilage racial. Il se dit également «très sensible à cet enjeu». Les corps policiers disposent de six mois pour s’adapter à ce jugement avant que celui-ci prenne effet.

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