Un écosystème caché sous la neige
Il existe, sous la neige, un écosystème caché. Appelé l’espace subnivéen, ou subvinium, il survit en hiver, à la frontière du sol gelé et de la couche inférieure de neige. Et ceux qui l’étudient depuis une dizaine d’années s’interrogent sur son avenir, à l’heure du réchauffement climatique.
Jusqu’à récemment, là où on aurait pensé que tout était en hibernation, cet espace permet au contraire à des insectes comme des scarabées, des araignées et des grenouilles, de passer une partie de l’hiver, protégés du froid par la couche de neige (nivéen : du latin nivis, qui veut dire neige, et sub, qui veut dire en dessous). Lorsque la lumière du soleil filtre jusque-là, même des plantes y commencent leur éclosion avant le printemps. Les experts estiment à 20 centimètres la couche de neige, de préférence une neige légère, qui permet à ce petit écosystème de survivre : l’air chaud du sol s’élève, transformant la couche inférieure de neige en vapeur. Il se forme alors un espace d’à peine quelques centimètres de haut, surmonté par un plafond gelé.
À l’occasion, on y trouve jusqu’à des petits mammifères : le New Scientist rappelle dans un article récent qu’en 2015, une équipe norvégienne avait réussi à installer des caméras dans un tel espace, grâce auxquelles on pouvait observer des taupes et des musaraignes entrer et sortir.
Mais qu’arrivera-t-il avec le réchauffement ? Les experts qui en parlent comme d’un écosystème unique, le caractérisaient aussi dès 2015 comme un écosystème menacé. Les hivers plus doux réduisent l’épaisseur de la couverture de neige, donc l’isolation dont bénéficient ces bestioles. La pluie hivernale peut exposer certaines à l’air libre, et les faire périr lorsque la température redescend sous le point de congélation. Les écologistes Jonathan Pauli et Ben Zuckerberg, de l’Université du Wisconsin à Madison, estiment que l’Amérique du Nord a perdu 800 000 kilomètres carrés de couverture neigeuse par décennie depuis les années 1980, en plus du fait que les hivers sont plus courts.
Les grenouilles des bois sont particulièrement menacées, elles qui survivent au froid en laissant leurs corps geler : une substance dans leur sang protège leurs cellules des dégâts que pourraient causer les cristaux de glace. Mais une journée trop chaude « réveille » la grenouille, qui va ensuite « geler » à nouveau, un cycle qui peut lui être fatal.
Ce phénomène affecte jusqu’aux arbres eux-mêmes. Les chercheurs ont étudié le cas du cyprès, un arbre qui, sur la côte du Pacifique, a vu sa population décliner, en dépit du fait que les plus résistants peuvent vivre des siècles. Il semble que ces arbres meurent en plus grand nombre dans les régions où la couche de neige a diminué : privées de cet « isolant », les racines les moins profondes sont davantage exposées au gel-dégel, et elles dépérissent.