Youssef Issa: preuve éloquente que les immigrants peuvent faire leur place
IMMIGRATION. Vivre le déracinement de devoir quitter son pays en guerre. Affronter l’incertitude de pouvoir refaire sa vie ailleurs. S’adapter à une nouvelle réalité sociale. Voilà quelques-uns des défis qui ont parsemé le chemin de Youssef Issa, de sa Syrie natale jusqu’au Québec. Et le principal intéressé ne s’en plaint pas. Au contraire, il ne reviendrait pas en arrière et veut servir d’exemple aux nouveaux arrivants.
Son parcours vers l’espoir d’une vie meilleure a débuté en 2014, bien que le rêve d’habiter un pays plus prometteur soit antérieur. Les combats meurtriers, qui ont fait plus de 76 000 morts en cette pire année de guerre civile, ont convaincu le coiffeur de fermer boutique et de partir au Liban avec sa jeune famille. «C’était notre première option en situation d’urgence. Mes parents s’y étaient déjà réfugiés en 1997, car mon père avait besoin de soins spécialisés. Pour aider à payer les frais, j’ai commencé à travailler dans un salon de coiffure où j’ai appris les bases du métier», raconte Youssef.
Après avoir étudié en coiffure et obtenu un certificat professionnel au Liban, le jeune homme est allé parfaire ses connaissances du côté de Dubaï, de 2004 à 2006. Il rentre ensuite en Syrie, pour soutenir ses parents de retour dans leur pays d’origine. Grâce aux économies accumulées aux Émirats arabes unis, il ouvre un premier salon, puis un second en 2009, dans sa ville natale de Lattaquié. La guerre civile et l’incertitude économique font naître dès 2011 le vœu de s’établir dans un pays d’accueil.
«La baisse de clientèle m’a obligé à fermer rapidement un des deux salons. Devant l’aggravation de la situation en 2014, j’ai fermé mon deuxième salon. Pour la sécurité de nos enfants Vanessa, 5 ans, et Michel, 3 ans, mon épouse Carmen et moi avons décidé de fuir au Liban. Là-bas, l’impossibilité pour les réfugiés syriens de travailler nous pousse à rechercher une option plus favorable. C’est le pasteur de notre église chrétienne-protestante qui nous a mis en contact avec des paroisses d’accueil au Canada. Notre choix s’est arrêté sur celle de Saint-Yves à Québec», résume le père de famille.
Imprévus et adaptation
Il y avait toutefois un imprévu de taille dans la réalisation de ce rêve lointain d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Pour la famille Issa, qui maîtrise l’arabe comme langue maternelle et l’anglais comme langue d’affaires, le Canada est connu comme un pays anglophone. Surprise donc, à la descente d’avion à Montréal, d’apprendre qu’il faudra se débrouiller dans une troisième langue, le français, pour évoluer dans leur nouvelle communauté.
Sans oublier le froid sibérien qui s’est avéré un autre aspect inattendu. «Le lendemain de notre arrivée, le 12 février 2016, j’ai voulu sortir par -24 degrés jouer dans la neige avec les enfants. En ouvrant la porte, on se serait cru dans un congélateur, alors on a remis l’idée à plus tard. Parmi les nombreuses connaissances à acquérir sur notre nouveau pays, j’ai compris qu’en Syrie le soleil arrive à nous réchauffer durant l’hiver, mais ici c’est juste de la lumière», se remémore Youssef en riant.
Cette réalité n’a absolument pas atténué la détermination de la petite famille, qui a vu s’ajouter le fiston Alexandre, né ici en décembre de la même année. «Tous se sont très bien adaptés à la vie au Québec. Ils n’ont pas ménagé les efforts pour apprendre la langue, les coutumes, la culture, les saisons, etc., car dès leur arrivée c’était clair pour eux qu’ils deviendraient Québécois. J’ai eu la chance de les accompagner pour faciliter leur intégration et depuis ils font partie intégrante de ma famille», précise Hélène Normand, que Youssef considère comme sa deuxième mère.
Ouvrir un salon ici
Après quelques mois d’acclimatation et d’immersion, Youssef a entrepris les démarches pour reprendre son métier de coiffeur. Ayant complété un certificat d’équivalence pour valider ses compétences, il a commencé à travailler dans deux salons bien établis. Peu à peu, il a amélioré sa communication en français et monté une clientèle. Puis, les astres se sont alignés en vue d’exaucer un autre rêve qui lui était cher, celui d’ouvrir son propre salon de coiffure dans sa nouvelle patrie.
«En raison du ralentissement causé par la pandémie, la propriétaire du Salon Her-Lou a décidé de fermer. Je continuais au salon de l’hôtel Alt à temps partiel, mais ce n’était pas suffisant pour arriver. Une ancienne collègue esthéticienne d’origine afghane m’a alors proposé de nous associer pour ouvrir notre commerce. Covid ou pas, on a décidé de foncer. Et, après avoir trouvé un beau local sur la rue Maricourt à Sainte-Foy, nous avons inauguré Imagina Coiffure et Esthétique à l’automne», lance avec fierté le copropriétaire bien heureux de la reprise des activités depuis février.
Les choses vont bien pour la famille Issa qui voit ses trois enfants s’épanouir dans un pays en paix et plein d’opportunités. Autre bonne nouvelle, le clan s’est élargi en 2018, lorsque la paroisse Saint-Yves a contribué à la venue des parents et du frère de Youssef. Récemment, Carmen a obtenu sa citoyenneté canadienne et bientôt ce sera au tour de son mari de passer le grand test.
Retourneront-ils un jour en Syrie? «Peut-être pour visiter la famille et présenter nos enfants, mais en touristes. Notre vie est ici maintenant et c’est encore plus vrai pour Vanessa, qui a maintenant 10 ans, Michel, 8 ans, et Alexandre, 4 ans. Leur futur est beaucoup plus prometteur ici», assure Youssef. Il termine l’entrevue sur une note optimiste en recommandant «aux nouveaux arrivants à Québec de poursuivre leur rêve, car il est possible de les réaliser».
«Quand on veut, on peut!» – Youssef Issa