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Guide alimentaire 2019 : Un autre coup dur pour les producteurs d’ici

Le Guide alimentaire canadien de 2007 recommandait de consommer quotidiennement, en fonction du groupe d’âge, entre deux et quatre portions de produits laitiers. Photo: (Photo gracieuseté – Mathieu Champagne)

SANTÉ. La parution du nouveau Guide alimentaire canadien continue de faire des remous du côté des producteurs de lait, insatisfaits de voir les produits laitiers relayés au second rang. Depuis qu’ils ont été confondus au sein de la catégorie des aliments protéinés, plusieurs d’entre eux se questionnent désormais sur leur place dans l’alimentation des Québécois.

Pour la deuxième fois en l’espace de quelques mois, l’industrie laitière a été touchée par des aléas gouvernementaux. D’abord les modifications aux clauses économiques de l’accord de libre-échange qui permet l’importation en provenance des États-Unis et du Mexique, puis, au début de la nouvelle année, la disparition de la catégorie exclusivement réservée aux «lait et substituts» dans la plus récente édition du Guide alimentaire canadien.

«On a vu une levée de boucliers des consommateurs qui nous appuyaient avec le nouvel accord et là le Guide alimentaire va à contresens de ce vent de sympathie», remarque Richard Bouchard, représentant des producteurs laitiers de la Capitale-Nationale–Côte-Nord, région de Québec.

Celui qui opère lui-même une ferme laitière dans Charlevoix convient tout de même que les producteurs laitiers n’ont pas été «tassés du revers de la main», et il précise que les regroupements locaux ont été consultés par Santé Canada avant qu’une position ne soit formellement adoptée. Toutefois, il maintient que les protéines végétales font partie intégrante du nouveau guide, ce qui a eu pour effet de faire descendre le lait et ses dérivés sur le plancher des vaches, eux qui ont longtemps été placés sur un «piédestal».

«Il est évident que le nouveau Guide alimentaire change la dynamique de perception des consommateurs face aux produits laitiers, mais comme producteurs, on ne peut pas être contre la façon qu’ont les gens de s’alimenter», se résigne le producteur de Charlevoix.

 

«Est-ce une bonne nouvelle? Je vous avoue que j’aimais mieux l’ancienne façon, mais il faut accepter le tournant, parce que ce n’est pas la première tape sur le nez donnée aux producteurs et ce n’est probablement pas la dernière, alors aussi bien composer avec ça.»

Richard Bouchard, représentant des producteurs laitiers de la Capitale-Nationale–Côte-Nord, région de Québec.

Les produits laitiers sont considérés comme étant l’une des meilleures sources de calcium, eux qui contiennent aussi du potassium et des fibres.

Des bémols ici et là

Il n’en reste pas moins que les produits laitiers ont fait leurs preuves dans le passé. Selon Richard Bouchard, ils demeurent une bonne façon de s’alimenter, en termes de rapport qualité-prix, malgré qu’ils soient maintenant fondus dans l’ensemble des sources de protéines, aux côtés de la viande et des protéines végétales.

Cependant, à l’heure où l’économie encourage fortement les consommateurs à se tourner vers le commerce local, le Guide alimentaire canadien constitue pour les producteurs laitiers un certain affront, eux qui considèrent jouir d’une moins grande valeur au sein de cette nouvelle édition.

«La tendance veut que l’on consomme moins de viande et qu’on fasse davantage attention à l’environnement. Par contre, je me questionne à savoir si les autres sources de protéines dont il est question sont produites dans les mêmes conditions que les produits laitiers, qui doivent respecter des normes parmi les plus élevées au monde en termes de qualité et de bien-être animal et environnemental», justifie-t-il.

Or, incapable d’estimer si la parution du nouveau guide aura des répercussions sur le marché canadien du lait, M. Bouchard conclut en misant sur l’intelligence des consommateurs. «Contrairement à la boisson d’amande qui provient de l’autre côté du continent, le lait est pratiquement tout produit au Canada, dans nos campagnes, avant d’être transformé dans nos villes et transporté par nos gens», explique-t-il, tout de même confiant que la diminution de l’achat de produits locaux est susceptible de se faire davantage sentir dans les milieux institutionnels, qui se fient sur le guide pour créer des menus équilibrés, plutôt que chez le commun des mortels.

Le lait à l’abattoir dans les nouvelles normes?

Si le Guide alimentaire canadien prescrivait autrefois de consommer un tel nombre de portions de chaque aliment quotidiennement, la nouvelle version recommande plutôt d’opter pour une alimentation variée. Les fruits et les légumes, tout comme les aliments protéinés sont donc conseillés en grande quantité, tandis que l’on suggère de laisser de côté ceux qui sont riches en sodium, en sucres ou en gras saturés, un constat alarmant pour l’industrie laitière.

Voilà d’ailleurs qui inquiète à un autre niveau Richard Bouchard, qui représente les producteurs de la région. En effet, le gouvernement libéral fédéral élabore présentement un système d’étiquetage destiné à faciliter les choix alimentaires des Canadiens. Ce dernier prévoit notamment, d’ici la fin de son mandat, l’identification des produits contenant trop de sucres, de gras ou de sels, une mesure qui pourrait laisser une mauvaise image des produits laitiers, selon lui.

«L’étiquetage concernera surtout les produits transformés, mais compte tenu de sa proportion en lactose, qui est un sucre, le lait aurait été classé dans la liste des produits dangereux. En contrepartie, le yogourt, juste par l’apport de sucre des fruits qu’il contient, entrera sans doute dans cette même catégorie, déplore-t-il. Tout ce que l’on demande, c’est que les décideurs se fient aux preuves scientifiques qui démontrent l’apport nutritionnel des produits laitiers».

Les producteurs d’ici

Selon les données qu’il possède, M. Bouchard estime qu’il ne reste qu’une dizaine de fermes laitières actives sur la Côte-de-Beaupré, tandis que le territoire de l’île d’Orléans en compte une vingtaine. Il s’agit d’une nette diminution en comparaison avec les dernières décennies, où l’on retrouvait plus de 50 producteurs laitiers distincts.

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