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#MoiAussi a changé la «game» pour les agent.e.s d’artistes 

Les agent.e.s d'artistes ont connu la vague #MoiAussi à leur façon. Photo: Denis Novikov/iStock

Il y a cinq ans, la vague #MeToo – ou #MoiAussi – déferlait sur le monde, emportant avec elle des personnalités québécoises comme Gilbert Rozon et Éric Salvail. Bien d’autres noms sont tombés depuis et si on s’est beaucoup penché sur eux, on a plus rarement pensé aux gens qui les représentaient. La façon de gérer des artistes n’a pas vraiment changé, mais le milieu, lui, oui.  

Véronique Bigras en sait quelque chose. Directrice marketing et associée au Groupe Phaneuf, elle a vu le mouvement se déployer en 2017, puis l’a connu de près en 2020, quand Julien Lacroix – représenté par sa boîte – a été dénoncé par neuf femmes pour des inconduites et des agressions sexuelles. L’entreprise a depuis cessé de faire de la gérance d’artistes pour se concentrer uniquement sur la production de spectacles.  

«L’histoire de Julien Lacroix, pour nous, c’est le point de départ de nos actions très concrètes, malheureusement», admet-elle. Parce qu’avant les allégations contre l’humoriste, le Groupe Phaneuf n’avait pas instauré de politique particulière. Il s’était cependant positionné dans les médias dès 2017 en refusant de travailler avec les boîtes de Gilbert Rozon et d’Éric Salvail jusqu’à ce qu’elles changent de mains. L’entreprise avait aussi accueilli favorablement les actions du milieu, notamment la création de l’organisme L’Aparté pour venir en aide aux victimes du milieu culturel.  

Tolérance zéro 

Depuis #MoiAussi, en matière de harcèlement et d’inconduite sexuels, les mots que martèle Véronique Bigras sont les mêmes que ceux répétés par Stéphane Belugou, de l’agence artistique du même nom: tolérance zéro.  

L’agent se rappelle avoir dû s’imposer, il y a sept ou huit ans, auprès d’une production pour appuyer une actrice qu’il représentait et à qui on demandait de se dénuder pour une scène où aucune nudité n’était prévue. Il avait dû tout faire pour être entendu. «Maintenant, c’est l’inverse. À la moindre histoire, tout le monde prend ça très au sérieux. C’est un changement de paradigme complet», se réjouit-il.  

Cette tolérance zéro, le Groupe Phaneuf tient à bien la faire comprendre aux artistes, mais aussi aux équipes techniques. Sans avoir de protocole établi, la politique est claire, explique Véronique Bigras: «Ici, on ne tolère rien, on dénonce tout et on parle quand on entend des rumeurs, parce que c’est important que ça soit porté à notre attention pour qu’on analyse tout ça. Il faut porter à l’esprit qu’on a tous un rôle à jouer.» 

Avant #MoiAussi, tout était différent. «Il n’y avait rien de prévu [dans le milieu], mais ça ne veut pas dire que je n’aurais rien fait, lance Stéphane Belugou. Ce n’était pas une norme du tout; c’est après qu’on a commencé à recevoir des codes de bonne conduite.» Ceux-ci sont devenus standards dans les différentes productions depuis 2017.  

Pour Renée Cloutier, de l’agence qui porte son nom, ces nouvelles normes représentent le plus gros changement dans l’industrie du spectacle découlant du mouvement #MoiAussi: «Maintenant, on reçoit avec les contrats des politiques antiharcèlement [de la part des productions]. J’attire l’attention des artistes là-dessus.» 

Consciente qu’il peut toujours y avoir des squelettes dans le placard de certaines personnes, elle n’a jamais entendu de rumeurs au sujet de ses client.e.s artistes. Et personne ne se serait plaint d’avoir subi une quelconque forme de harcèlement. «Je n’ai pas fait de meeting avec mon monde. Je n’ai pas fait d’enquête», admet-elle cependant.  

Gérer la crise 

Gérer un.e artiste, ça implique normalement de l’aider à traverser les pires périodes. Mais pour des raisons morales et pour la survie de l’entreprise, les agent.e.s doivent savoir où tracer la limite, ce qui n’est pas toujours évident.  

«À quel moment je couperais le lien d’affaire?», réfléchit Renée Cloutier. «C’est sûr que je ne resterais pas en relation, mais j’aurais le goût de l’entendre parler. Je voudrais sa version des faits.» 

À l’inverse, Stéphane Belugou a déjà eu à protéger un artiste à cause d’une ancienne association avec une personnalité qui a depuis été dénoncée pour agressions sexuelles. «Quand l’histoire est sortie, des gens se sont mis à me demander si j’allais continuer de le représenter. Mais il n’y a pas une histoire sur lui! Dans ce cas-là, moi, je le défends.» 

Véronique Bigras croit qu’à partir du moment où des gestes graves ont été commis, il n’y a plus de relation professionnelle qui puisse continuer. «Quelqu’un qui nie les faits, c’est une personne à qui on ne peut pas faire confiance. Même si on veut accompagner l’artiste, on ne peut pas l’aider. Ça ne nous appartient plus.» 

Les spectacles d’une autre personne qui assumerait les gestes posés ne serait pas non plus produits par la boîte: «Chez Phaneuf, on croit que, par respect pour les victimes, une personne qui est accusée d’agression sexuelle ne devrait même pas se retrouver sur la place publique à court ou moyen terme. C’est notre ligne de conduite.» 

S’il n’y a pas de protocole établi depuis #MoiAussi dans les agences consultées, il y en a un dans le milieu. L’Union des artistes se fait un devoir d’enquêter sur tous les cas de harcèlement qui lui sont rapportés.  

Mais l’absence de normes ne veut pas dire absence d’action. «On a rencontré chacune des équipes techniques et chacun des artistes avec qui on travaille pour expliquer notre tolérance zéro, l’importance d’être vigilant et le type de comportement qu’on attend des gens», illustre Véronique Bigras.  

Surtout, il y a cette reconnaissance que le mouvement a mis fin à une culture du silence. «Même si je ne l’ai pas vécu, je crois les gens qui ont parlé, exprime Renée Cloutier. Aujourd’hui, ce n’est plus comme dans les années 80. Des gens qui font des affaires illégales, ça va toujours exister. Mais la société évolue, les gens parlent plus qu’avant. Ça prenait ça.» 

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