Le syndicat d’Alstom à La Pocatière déplore les miettes du tramway
Sitôt le contrat signé attribuant la conception du matériel roulant du tramway de Québec à Alstom, sitôt le syndicat des employés de sa filiale à La Pocatière dénonce le manque de contenu québécois. Après avoir pris connaissance des détails de l’entente, il indique avoir appris avec stupéfaction que les rames seront fabriquées au Mexique.
«Contrairement aux promesses de la CAQ, l’usine de La Pocatière ne ramassera que les miettes de ce projet d’envergure de près de 4G$, soit seulement l’assemblage. Jamais nos employés n’auraient pu imaginer que le contrat du tramway de Québec, pratiquement dans notre cour, nous échapperait au profit d’une usine mexicaine», déplore la présidente du syndicat CSN, Caroline Senneville.
Selon elle, «cette décision aura un impact majeur pour les travailleurs de l’usine de La Pocatière. Il en va du maintien de leur expertise». De l’avis de Mme Senneville, c’est un non-sens.
La situation paraît d’autant plus ironique puisque Alstom a reçu, il y a deux ans, un prêt de 56M$ du gouvernement québécois. Cette somme devait notamment servir à moderniser les installations de La Pocatière, pour concurrencer les usines étrangères et assurer le maintien de 400 emplois à l’usine du Bas-Saint-Laurent.
«L’intention, ce serait d’avoir tous les contrats donnés au Québec. On veut avoir de l’achat québécois», déclarait à l’époque le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Or, bien que la Caisse de dépôt et placement du Québec soit le plus important actionnaire d’Alstom, l’entreprise a depuis fermé son usine de Sorel-Tracy.
Communications imprécises
Il faut admettre que les communications de l’entreprise, dont le siège social est basé en France, ne sont pas très explicites en matière de construction des rames du tramway de Québec. Certes, on se targue d’offrir «une solution de mobilité éprouvée et fiable, qui sera développée et assemblée au Québec».
On va même jusqu’à préciser que «les rames du tramway seront développées par les ingénieurs d’Alstom basés à Saint-Bruno-de-Montarville, siège social d’Alstom pour les Amériques. Elles seront ensuite assemblées à l’usine de La Pocatière dans la région du Bas-Saint-Laurent», souligne-t-on dans un communiqué où le président d’Alstom Canada, Michael Keroullé, salue la confiance de la Ville de Québec.
Jamais il n’y est évoqué, entre ces deux étapes, l’endroit où sera effectuée la fabrication du matériel roulant pour le tramway de Québec. Bref, beaucoup de transparence sur la conception et l’assemblage, mais très peu sur la provenance des pièces. Il s’agit assurément d’une décision d’affaires pour garantir le meilleur prix. Toutefois, comme Alstom était seule sur les rangs lors de l’appel de propositions, un peu de précision en la matière n’aurait pas pu nuire à sa candidature.
Favoriser le contenu québécois et canadien
Pour le milieu syndical, cette autre rebuffade milite en faveur d’un rappel aux donneurs d’ouvrage gouvernementaux d’exercer pleinement leur pouvoir de négociation. Dans des contrats de cette ampleur, rien ne les empêche d’exiger qu’un pourcentage minimum du tramway de Québec soit fabriqué au Québec, sinon au Canada.
«Nous avons l’impression de vivre une seconde fois le cauchemar des trains du Réseau express métropolitain (REM) qui, malgré l’expertise des usines d’Alstom au Québec, ont été fabriqués en Inde», dénonce Louis Bégin, président de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN).
«Plutôt que de construire les voitures à moins de 200 kilomètres de Québec, Alstom confie le projet à une usine mexicaine à plus de 4000 kilomètres de la province, dans des installations fonctionnant à l’énergie fossile. En matière d’empreinte carbone, le tramway de Québec démarre avec un piètre bilan», fait remarquer Marco Lévesque, président du syndicat de l’usine Alstom à La Pocatière.