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Quelle est la suite pour l’auteur de la tragédie de la garderie?

Photo: Capture d'écran- Facebook
Isabelle Chénier et Sliman Naciri

Deux jours après la tragédie entourant la garderie de Laval, le chauffeur d’autobus de la Société de transport de Laval (STL) fait maintenant face à neuf chefs d’accusation: meurtre au premier degré sur deux enfants, tentative de meurtre sur les personnes qui étaient présentes à la garderie, voies de fait graves sur deux enfants et voies de fait causant des lésions corporelles sur quatre enfants.

Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants élémentaires du processus judiciaire entamé, Métro s’est entretenu avec l’avocat criminaliste Xavier Desrosiers*.

Pierre Ny St-Amand est présentement détenu jusqu’à sa prochaine comparution à la cour. Selon les faits que vous connaissez, est-ce que M. Ny St-Amand risque d’être détenu ou remis en liberté jusqu’à son procès?

Je ne pense pas qu’il sera remis en liberté. En droit canadien, pour la vaste majorité des crimes, le principe, c’est la remise en liberté, en attendant le procès. Habituellement, le fardeau de démontrer que la détention de l’accusé est nécessaire repose sur les épaules de la Couronne.

Cependant, pour certaines infractions — et c’est le cas du meurtre —, le principe, c’est la détention. Le fardeau repose sur le dos de l’accusé qui doit démontrer que sa détention n’est pas nécessaire, selon trois critères: il peut assurer sa présence au tribunal; il ne représente pas un danger pour le public; le fait de le remettre en liberté ne pourrait pas choquer un membre du public durant le cours de l’administration de la justice. C’est vraiment le dernier point qui risque de poser problème.

Il a subi, à l’hôpital, une évaluation psychiatrique visant à déterminer son degré de dangerosité. À la suite de cette évaluation, il a été déterminé qu’il était apte à subir son procès. Quel est le seuil à rencontrer pour déterminer l’aptitude de l’accusé à subir son procès?

L’objectif de l’évaluation psychiatrique est de savoir si la personne comprend ce qu’il se passe au niveau des procédures, c’est-à-dire qu’il y a un procès avec un juge, des avocats, des témoins, etc. Le seuil à rencontrer pour qu’une personne soit apte à subir son procès est relativement assez faible. Il faut vraiment que la personne ne soit pas du tout réceptive pour qu’elle soit jugée inapte.

Pour ce qui est de l’aptitude à subir le procès, on peut demander une évaluation psychiatrique à n’importe quel stade des procédures. La personne peut être apte à subir son procès aujourd’hui, mais pas à une date ultérieure.

Qu’est-ce qui distingue les chefs d’accusation de voies de fait graves de ceux de voies de fait causant des lésions corporelles?

Il y a trois types de voies de fait. Il y a les voies de fait simples, des voies de fait causant des lésions et des voies de faits graves.

En ordre croissant de gravité, on retrouve en premier les voies de fait simples. Par exemple, je donne un coup et les conséquences de ce coup ne sont pas visibles.

Les voies de fait causant des lésions corporelles impliquent une sorte de lésion. Le Code criminel la définit comme quelque chose qui est de nature plus que passagère. Par exemple, je reçois un coup de poing à l’arcade sourcilière, mon arcade s’ouvre et je garde une cicatrice.

Les voies de fait graves vont au-delà de la nature plus que passagère de la chose.

Quelles sont les défenses que pourrait hypothétiquement invoquer l’accusé lors du procès? On a entendu parler de la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Pourriez-vous nous en dire plus à ce propos?

Si on parle du caractère de la mens reas, de l’intention coupable, c’est la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux qui risque d’être invoquée. C’est l’exemple le plus classique qu’on connaît, car il en a été beaucoup question lors du premier procès de Guy Turcotte.

Le critère pour faire valoir cette défense, c’est de savoir si la personne était capable de juger de la nature et de la qualité de l’acte au moment des faits. Est-ce que la personne savait que l’action qu’elle commettait était mauvaise?

Les personnes qui répondront à cette question, ce sont des psychiatres. Lorsque la partie défenderesse veut faire valoir la non-responsabilité criminelle de l’accusé, elle va présenter une preuve d’expertise avec ses propres psychiatres pour démontrer qu’au moment des faits, l’accusé ne comprenait pas que l’acte était mauvais. La Couronne va également présenter une preuve psychiatrique pour réfuter celle de la partie défenderesse.

Ça ne peut pas aboutir à un verdict d’acquittement, mais plutôt à un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

Y a-t-il d’autres défenses que l’accusé pourrait faire valoir?

En fonction de ce que moi je sais, j’en comprends que la preuve directe est assez forte, qu’elle soit testimoniale ou matérielle. Il y a plusieurs témoins qui ont vu la scène, qui ont vu l’individu au volant de l’autobus, qui ont vu l’autobus se diriger vers la garderie.

Est-ce qu’il y aurait des circonstances atténuantes ou aggravantes qui pourraient influencer la détermination de la peine par la juge au procès?

Pour un meurtre au premier degré, les circonstances atténuantes ou aggravantes n’ont pas beaucoup d’importance étant donné que la peine minimale infligée est la prison à vie.

Là où ces circonstances peuvent jouer non pas sur la peine, mais davantage sur l’admissibilité à la libération conditionnelle, c’est au niveau d’autres infractions, tant pour les voies de fait causant des lésions corporelles, dont la gravité objective est moins élevée, que pour un meurtre au deuxième degré.

Concernant les circonstances atténuantes, de ce qu’on sait, c’est que l’individu n’avait pas d’antécédent judiciaire. À ce niveau, pour être franc, je n’en vois pas d’autres. Généralement, on pourrait faire valoir que la personne est un actif pour la société parce qu’elle a un travail. Mais dans ce cas-ci, elle a abusé du pouvoir qui lui était conféré par son travail pour commettre son crime, donc ça devient un facteur aggravant.

L’âge des victimes et les circonstances du crime sont aussi des facteurs aggravants.

*Il est à noter que les réponses de Me Xavier Desrosiers demeurent hypothétiques étant donné que celui-ci n’a pas accès à l’ensemble de la preuve au dossier.

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