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Départ de Sophie Brochu: un futur incertain pour la politique énergétique du Québec

Dans les semaines qui suivent, le conseil d'administration d'Hydro-Québec présentera des candidatures au gouvernement provincial pour combler le poste de Mme Brochu. Photo: iStock, Daniell604

«Tant qu’on est capable de faire valoir les grandes prérogatives du besoin du système énergétique, je serai là», affirmait Sophie Brochu en octobre 2022. Or, cette dernière vient d’annoncer sa démission du poste de PDG d’Hydro-Québec. Sa crainte que le Québec devienne le Dollarama de l’électricité va-t-elle se concrétiser?

Alors que les élus de l’opposition exigent de la transparence quant à ce départ inattendu, ce dernier pourrait laisser le champ libre à la Coalition avenir Québec (CAQ) pour mener une politique énergétique basée sur l’exportation et l’augmentation du nombre de barrages hydroélectriques.

Des visions opposées?

Éloïse Edom, associée de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier, se dit surprise par la courte durée du mandat de la PDG, inhabituelle pour un tel poste. «C’est une grosse nouvelle pour le secteur de l’énergie!», s’exclame-t-elle en entrevue avec Métro.

«L’objectif de Sophie Brochu était de décarboner la société.» De son côté, «le gouvernement [de la CAQ] cherche plutôt à développer le côté économique d’Hydro-Québec», analyse Mme Edom.

La vision de Mme Brochu incluait aussi une part de réduction de la consommation électrique, voire de la sobriété énergétique, alors que le besoin prévu en barrages provient d’une augmentation de la consommation électrique.

Comme de nombreux observateurs politiques l’ont souligné, les visions opposées de Mme Brochu et de Pierre Fitzgibbon, le ministre dont Hydro-Québec relève, auraient pu mener à une démission sur fond de dissension. Mme Edom dit se poser des questions sur l’ingérence politique sans avoir de réponses.

La chercheuse ne pense quant à elle pas que les barrages soient à proscrire, mais plutôt qu’ils ne devraient pas être une priorité. «On a de moins en moins de ressources pour de gros barrages, leur construction a d’importants impacts et prend beaucoup de temps», avance-t-elle. Elle identifie l’énergie éolienne comme prometteuse pour le futur de la production électrique. Selon elle, cette technologie s’est beaucoup améliorée.

La sobriété énergétique, nerf de la guerre

La chercheuse appelle à avoir une «approche systémique» de la question énergétique au sein des débats environnementaux. «On a besoin d’énergie dans beaucoup d’endroits, mais il faut regarder ça dans une forme d’ensemble», affirme-t-elle.

Actuellement, Québec prévoit construire de nouveaux barrages pour répondre à la forte augmentation anticipée de la consommation d’électricité, avec l’électrification des voitures et des industries. Or, dans une perspective de décarbonation de la société, il serait souhaitable, selon Mme Edom, de mieux allouer les ressources électriques en privilégiant l’électrification des domaines qui ont besoin de l’être et en améliorant l’efficacité de ceux qui le sont déjà. Par exemple, l’installation de thermopompes ainsi qu’une meilleure isolation permettrait d’optimiser la consommation des chauffages résidentiels électriques. Le surplus d’électricité dégagé pourrait permettre de chauffer les serres agricoles, lesquelles recourent majoritairement au gaz à l’heure actuelle.

Même son de cloche du côté du secteur des transports, où Mme Edom croit que les transports en commun devraient être favorisés pour diminuer le nombre d’autos et que le poids des voitures gagnerait à être limité. Elle cible particulièrement les véhicules utilitaires sportifs (VUS), particulièrement populaires, qui, à cause de leur poids, vont consommer davantage même s’ils sont électriques.

Outre les politiques énergétiques, d’autres politiques environnementales seraient nécessaires pour faire diminuer la consommation d’électricité. Parmi celles-ci, créer des quartiers où les commerces et autres commodités sont accessibles à pied permettrait de réduire le nombre de véhicules. Éloïse Edom constate que dans le débat public, «on a peur de parler de [la sobriété énergétique]», même si elle note une amélioration avec la crise énergétique en Europe, qui amène le sujet sur la table.

En 2022, le gouvernement Legault avait tergiversé sur l’importance de reconnaître le besoin de densifier les villes. Le même gouvernement appuie également des projets de transports en commun, comme le tramway de Québec ou le transport structurant de l’est de Montréal, tout en défendant un projet de troisième lien automobile entre Québec et Lévis.

Qui pour la suite?

Dans les semaines qui suivent, le conseil d’administration d’Hydro-Québec présentera des candidatures au gouvernement provincial. Le Conseil des ministres confiera ensuite à l’une d’elles le poste de PDG de la société d’État.

Éloïse Edom se demande si la personne qui dirigera Hydro-Québec suivra la politique de Mme Brochu qui tend à «décarboner le Québec avant d’aller vendre ailleurs». Elle souhaiterait voir à la tête de l’entreprise une personne qui «va rester dans cette optique de prioriser ce qui est positif pour les Québécois» et dont la principale action serait de «décarboner la société québécoise».

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, demande de la transparence de la part du gouvernement. Une transparence jugée nécessaire par Mme Edom, qui rappelle qu’Hydro-Québec suit une mission d’intérêt public – distribuer de l’électricité – et que sa gestion devrait donc être menée de façon transparente.

Les prochaines semaines révèleront le nouveau visage d’Hydro-Québec et sa vision pour la politique énergétique de la province. Le gouvernement prendra-t-il en compte que, tout comme le déchet le plus recyclable est celui qu’on ne produit pas, l’énergie la plus renouvelable est celle qu’on ne consomme pas?

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