Une Journée dédiée au sport féminin à faire mieux connaître
Créée en France en 2014, la Journée internationale du sport féminin demeure encore peu connue hors de la francophonie. Sa 10e édition, ce mardi 24 janvier, revient en force avec l’objectif de rallier le monde entier à cette cause égalitaire. Certes, il reste beaucoup de chemin à parcourir et encore bien des plafonds de verre à fracasser, mais la volonté d’y parvenir se fait plus présente et déterminée que jamais.
Entretien avec Guylaine Demers, professeure au département d’éducation physique de l’Université Laval et experte en équité des genres dans la pratique sportive. Celle qui est aussi directrice du Laboratoire de recherche pour la progression des femmes dans les sports au Québec (Lab PROFEMS) brosse un portrait positif de l’évolution de la situation. Si le moment n’est pas aux célébrations, les bases solides mises en place permettent l’espoir en des jours meilleurs à court et moyen termes.
Métro – Créée il y a 10 ans (2014), la Journée internationale du sport féminin contribue-t-elle à faire une différence et à mettre la cause en lumière?
Guylaine Demers: «Comme toute initiative du genre, l’objectif premier consiste à faire en sorte le sujet soit sur le radar de la communauté et engendre des discussions. Il faut aussi convenir que cette Journée est encore assez récente et peu célébrée en dehors de la francophonie où elle a été instaurée. Des efforts sont encore nécessaires pour élargir sa reconnaissance dans les milieux anglophones du sport, pour lui donner un réel écho mondial.»
Métro – Quels sont les défis principaux qui restent à relever pour garder l’intérêt des filles dans la pratique des sports?
G.D.: «Il y a deux enjeux majeurs, soit ceux de la participation et du leadeurship. Du côté participatif, on observe des gains significatifs depuis plusieurs années. À cet égard, les prochains Jeux olympiques de Paris seront les premiers totalement égalitaires avec autant de disciplines féminines que masculines. Voilà qui est rassurant pour l’élite sportive. Cependant, il y a des signes inquiétants du côté de la jeunesse et du recrutement, puisque des études confirment que l’abandon de la pratique des sports est trois fois plus important chez les filles que chez les gars à l’adolescence. C’est le principal enjeu. Sur le plan du leadeurship, on est à des kilomètres du but à atteindre. Les femmes ne composent que 20% du personnel entraîneur. Et, plus on grimpe dans la hiérarchie des équipes et des organisations et moins elles sont présentes.»
Métro – Êtes-vous optimiste quant à l’évolution des choses depuis la pandémie et dans un avenir rapproché?
G.D.: «Absolument! Ça fait 30 ans que je travaille à l’égalité des genres dans le sport et j’avoue être plus optimiste que jamais. On sent que le train est en marche et qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Les bottines suivent enfin les babines. Ça se voit à tous les niveaux et dans toutes les disciplines. Et, le gouvernement donne l’exemple, notamment en soutenant depuis longtemps l’organisme Égale Action, qui promeut l’égalité par l’activité sportive. Il lance également un message clair avec la création, l’an dernier, du Lab PROFEMS que je dirige. La volonté de changer les choses est perceptible et c’est rassurant. Même les hommes deviennent de plus en plus des alliés de la cause. Si bien que je pense qu’on va faire davantage de progrès dans les cinq prochaines années qu’on a pu en faire au cours des 20 dernières.»
Métro – Bien qu’il soit un peu tôt pour les bilans, comment le Lab PROFEMS créé l’an dernier peut-il aider la cause?
G.D.: «D’abord, notre mission première consiste à documenter la situation actuelle. C’est essentiel pour voir d’où on part, où on se trouve et où on s’en va. Annuellement, on va publier des statistiques pour renseigner les fédérations sportives québécoises. Cela va aider les dirigeants à prendre des décisions éclairées pour soutenir la cause des femmes dans la pratique des sports. Nous travaillons également sur quatre axes en simultané. Il s’agit de favoriser: la mixité positive dans la pratique d’une discipline lorsqu’il n’y a pas un bassin féminin suffisant pour créer une équipe ou une ligue; le mentorat pour faciliter la progression des femmes dans le personnel d’encadrement (entraîneuses, arbitres, etc.); la formation pour encourager le transfert de connaissances; et l’expérience inclusive des personnes transgenres dans les sports. On a donc de quoi s’occuper et c’est motivant.»