Prédire le talent des hockeyeurs par la psychologie
Repérer les jeunes joueurs de hockey prometteurs n’a rien d’une science exacte. À l’image de Jonathan Marchessault, gagnant de la Coupe Stanley 2023 et récipiendaire du trophée Conn-Smythe même s’il n’a jamais été repêché, les athlètes qui passent sous le radar des recruteurs restent nombreux. Même chose à l’inverse pour les talents surestimés qui ne se révèlent jamais à la hauteur des attentes.
Or, l’art de dénicher les talents bruts pourrait éventuellement s’améliorer. En effet, une équipe de recherche de l’École de psychologie de l’Université Laval a montré que certaines caractéristiques psychologiques des jeunes joueurs pourraient être annonciatrices de leur futur potentiel. Selon l’étude, publiée dans le Journal of Sports Sciences, ce serait particulièrement flagrant chez les joueurs dont le talent sur la glace n’a pas encore pleinement émergé.
Des mesures de la capacité d’autorégulation et du balayage visuel lors du visionnement de séquences vidéos s’avèrent fort révélatrices. Elles auraient permis l’équipe de recherche de classer correctement 84% des jeunes repêchés tardivement dans le junior majeur et qui sont devenus ou non des joueurs d’impact dans leur équipe.
Participation des Remparts
Pour arriver à ce constat, les chercheurs ont rencontré, en compagnie des recruteurs des Remparts de Québec, 95 joueurs de hockey âgés de 15 ou 16 ans en 2019. Cela se passait quelques semaines avant le repêchage de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Ils les ont soumis à divers tests mesurant des caractéristiques psychologiques qui influencent les pensées, les émotions et les comportements. Les joueurs devaient aussi visionner des vidéos de jeu pour mesurer leur capacité d’anticipation, de prise de décision et leur processus attentionnel (mouvements des yeux).
«L’une de ces variables était la capacité d’autorégulation des apprentissages, soit la capacité à tirer le maximum des enseignements qui nous sont offerts en prenant le contrôle de nos propres apprentissages», précise Daniel Fortin-Guichard, membre de l’équipe de recherche.
Indices d’un talent latent
Parmi les 95 joueurs évalués, 70 ont été repêchés après la deuxième ronde. «Cela laisse entendre que les recruteurs ne les considéraient pas parmi l’élite de leur cohorte», souligne Daniel Fortin-Guichard. Trois ans plus tard, l’équipe a rencontré les recruteurs des Remparts de Québec de nouveau pour déterminer lesquels de ces 70 joueurs ils sélectionneraient dans leur équipe s’ils en avaient à nouveau la chance à partir de leurs performances dans la Ligue. Les recruteurs en ont identifié 15.
«Quand ces joueurs avaient 15 ou 16 ans, les recruteurs de toutes les équipes n’avaient pas été en mesure de les prioriser au repêchage en se fiant à leurs performances sur la glace. Leur talent était latent», souligne le postdoctorant.
L’équipe de recherche a analysé les données psychologiques récoltées en 2019 pour trouver des indices révélateurs du potentiel qui sommeillait en ces joueurs. Elle a déterminé qu’ils avaient un score d’autorégulation plus élevé que les autres, et que leur stratégie de balayage visuel des images vidéos était plus dynamique. Toutefois, pour adapter cette méthode au repêchage de la LNH, il faudrait déterminer quelles variables psychologiques pourraient s’avérer révélatrices chez les joueurs de 18 ans.
Les auteurs de l’étude parue dans le Journal of Sports Sciences sont Daniel Fortin-Guichard, Émie Tétreault, David Paquet et Simon Grondin, de l’École de psychologie de l’Université Laval, et David Mann, de la Vrije Universiteit Amsterdam.