Il faut sans doute passer d’abord par le musée Lucienne-Maheux de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) pour bien comprendre le changement qui s’y est opéré ces dernières années dans la façon de traiter la santé mentale. Axés aujourd’hui sur le rétablissement, une philosophie de soins qui favorise l’autonomie et l’intégration sociale de l’individu, les services et les lieux sont repensés en conséquence.
Finis, donc, les dortoirs sans intimité ni silence, où tous les diagnostics se côtoyaient. Finie, aussi, l’époque où on pouvait retrouver 5200 patients hospitalisés à long terme. Si quelque 6500 personnes sont actuellement suivies en externe par le personnel de l’IUSMQ, l’établissement ne compte plus que 222 lits pour les courts séjours et 157 lits pour les séjours prolongés. Une réalité qui, forcément, a laissé des locaux vides; certains trouvent de nouveaux usages, notamment en recherche; d’autres font l’objet de réaménagements.
C’est le cas des trois unités d’hospitalisation en troubles psychotiques, qui ont inauguré leurs nouveaux espaces en mars 2013. Par unité, on trouve 20 chambres individuelles, chacune équipée de son téléphone et de sa radio, et une seule chambre d’isolement. S’ajoutent deux salles de séjour, un coin cuisine, une salle de lavage, un fumoir… Bref, un aménagement qui permet plus d’autonomie et de liberté au client qui peut circuler et sortir à sa guise. «Ce n’est pas une prison, c’est un milieu de vie», résume Lyne Beauregard, assistante en soins infirmiers de l’unité J-3000.
Un modèle en matière de rétablissement
Marie-Chantale Côté est bien placée pour témoigner de ce passage d’une philosophie de soins plus encadrée à une autre qui, par sa souplesse, rend le retour en société moins déstabilisant. «On était trop pris en charge, donc la sortie était difficile», confirme celle qui a traversé une ronde d’hospitalisations par le passé. C’est grâce à la confiance de personnes de son entourage qu’elle a pu rebâtir son estime personnel. Aujourd’hui, elle fait partie des cinq pairs-aidants de l’IUSMQ qui partagent avec les clients leur savoir expérientiel et les valeurs du rétablissement.
Qu’est-ce que c’est, exactement, le rétablissement? «C’est très unique… D’abord, c’est retrouver la paix en soi, la joie de vivre, la sérénité, l’espoir… C’est renaître, finalement», explique Marie-Chantal Côté. Pour parvenir à ce mieux-être, le pair-aidant accompagne la personne, dans son milieu de vie, au travers de cinq étapes: 1) l’amener à admettre son trouble mental pour qu’elle accepte de prendre la médication adéquate; 2) la faire cheminer pour qu’elle ne se définisse pas par la maladie, mais comme personne; 3) l’aider à cibler ses forces, ses buts, et à aller chercher les outils nécessaires pour y parvenir; 4) superviser ses premiers pas pour reprendre contact avec son entourage et la société; 5) la laisser se réapproprier le pouvoir sur sa vie.
Le pair-aidant intègre ainsi les équipes multidisciplinaires composées d’infirmières, de médecins, de travailleurs sociaux, qui suivent les personnes en externe. Son propre vécu avec la santé mentale favorise un rapport d’égal à égal susceptible d’inspirer la confiance chez son vis-à-vis. L’IUSMQ a été parmi les premiers à lui reconnaître un rôle essentiel dans le processus de rétablissement; seule institution québécoise en santé mentale à en compter autant dans ses rangs, elle reçoit parfois la visite de délégations européennes qui viennent s’inspirer de son modèle d’organisation des services.
Membre du Groupe Québec Hebdo