SOUVENIRS. Ce jour-là, le dernier, les employés ont quitté les lieux bras dessus, bras dessous, le cœur gros, les émotions et les souvenirs à fleur de peau. Quelque part, encore, un filet d’espoir qui refusait de mourir, nourri par quelque chose comme l’incrédulité d’un beau rêve qui prend fin: terminée, l’aventure du Jardin zoologique du Québec?! C’était il y a 10 ans, le 31 mars 2006, et si l’espoir s’est éteint, le sentiment d’appartenance, lui, n’a rien perdu de sa force.
«Aujourd’hui, si j’étais au zoo, je serais en train de m’occuper du recrutement des naturalistes, des animateurs, des étudiants pour l’été», lance Michel Lagacé. Quand il prend les rênes du volet éducatif au milieu des années 1990, il reçoit comme mandat de bâtir un nouveau programme pour satisfaire la curiosité des petits et grands en matière de zoologie et de sciences naturelles.
L’activité «Un zoo la nuit», notamment, se met en place sous sa gouverne. Torches le long des sentiers, naturalistes déguisés en Buffalo Bill, coureurs des bois et autres personnages historiques, légendes racontées…: «Je referais ça n’importe quand!» s’exclamera-t-il en parlant aussi, avec le même enthousiasme, de la collection d’artefacts, des repas publics des animaux, et du spectacle qu’offrait la simple observation du comportement des bêtes au quotidien.
Aux petits soins
En 1970, Robert Patenaude est de ces étudiants engagés au zoo pour l’été. Lui qui planifiait alors un retour en Alberta pour exercer la médecine équine, il a la piqure. Voilà que les animaux venaient de trouver un nouveau vétérinaire pour veiller à leurs soins de santé.
«Pour eux, j’étais l’ennemi, se souvient-il avec le sourire. Les oiseaux, ça ne les dérangeait pas trop, mais plus on montait dans l’évolution des espèces, plus ils pouvaient manifester de l’agressivité.» Quand l’heure du détartrage était venue, les primates avaient affaire à plus rusé qu’eux. Le vétérinaire accueillait volontiers l’aide des gardiens, qui développaient des liens de confiance et de complicité avec les pensionnaires.
«Tu fais beaucoup de prévention en captivité, et tu fais attention aux mesures d’hygiène. Parce que le curatif, c’est un dilemme quand, par exemple, tu te retrouves à devoir donner trois pilules par jour à un loup», explique Robert Patenaude, pour qui les régimes alimentaires des animaux et la gestion des espèces épargnaient bien des maux. Des mésaventures? «Jamais graves – tout le monde a survécu!» répond-il dans un éclat de rire.
Comme si c’était hier
Chez les deux hommes, les bons souvenirs, intarissables, préservent du temps qui a passé. Certes, la fermeture, qu’ils ont vécue et combattue de l’intérieur, laisse un arrière-goût d’amertume. «Ils n’avaient même pas de plan B», regrette Robert Patenaude en sachant les bâtiments laissés depuis à l’abandon, quand ils n’ont pas été carrément démantelés.
Mais Michel Lagacé et lui insisteront trop souvent sur la camaraderie entre employés et le respect voué au bien-être des animaux pour qu’on n’y voit pas, là, le véritable héritage du zoo dans leur vie. Comme quoi on a pu sortir les employés et le public du zoo, mais on ne sort pas aussi facilement le zoo de toutes ces vies.
Faits saillants
1931-1932
Aménagement d’une ferme expérimentale pour l’élevage d’animaux, à laquelle est annexé un jardin zoologique dont les premiers pensionnaires seront des bisons
1950-1980
Période de grande croissance: pavillon des félins et des primates, petites volières, enclos des ours blancs, petite ferme…
1994-1995
Annonce de fermeture par le ministre Pierre Paradis; un changement de gouvernement donnera un sursis, mais c’est le début de la fin
1998
Début du virage du «nouveau» zoo avec l’accent sur les oiseaux et l’horticulture qui, selon les études menées, sont la voie d’avenir pour attirer le public
2001-2003
Grand chantier de modernisation de 30M$; la réouverture, hâtive – tout n’est pas en place –, déçoit en raison d’une hausse significative des tarifs et d’une baisse du nombre de mammifères
2005-2011
Annonce de la fermeture en novembre 2005, fermeture effective en mars 2006 en dépit de la mobilisation populaire, et départ des derniers pensionnaires en 2011
Québec Hebdo