Si des célibataires ont l’habitude de swiper à gauche et à droite depuis belle lurette, on oublie parfois que d’autres personnes font leurs premières armes sur les applications de rencontre. Que ce soit parce qu’on a su résister pendant longtemps ou parce qu’on a passé la dernière décennie en couple, arriver sur ces plateformes après l’âge de 30 ans peut être pour le moins déstabilisant.
«À 30 ou 40 ans, quand on n’a jamais rencontré en ligne et qu’on ouvre les applications pour la première fois, on peut être un peu découragé», concède la psychologue Dre Janick Coutu.
La coach de vie amoureuse Marie-Soleil Cordeau, qui accompagne des femmes afin de les aider à comprendre comment avoir des relations plus heureuses, est d’accord: «La plupart des personnes trouvent ça extrêmement difficile et ne sont pas habituées à ce type de rapport-là.»
Sara, de la génération Y, est bien au courant des difficultés que représente ce changement dans la manière de rencontrer. Après 11 ans de relation, elle a retrouvé le célibat et s’est inscrite sur Tinder et Facebook Rencontres sans pour autant chercher à se caser à tout prix. Et mettons qu’elle n’est pas conquise par le concept.
«Ce qui me décourage le plus, c’est le temps qu’il faut mettre là-dedans et l’écrémage infini qu’il faut faire», confie-t-elle.
«Dans mon temps…»
Tinder célébrait son 10e anniversaire, le 12 septembre dernier. Avant l’arrivée des applications, on rencontrait… en personne. Oui, il existait des sites comme Réseau Contact, mais leur popularité était moindre. Et en personne, on pouvait ressentir la chimie ou apprendre à connaître l’humain au-delà de son «salu sava?»
«Je rencontrais des gens dans des bars, dans des partys, par des ami.e.s, dans des soupers… », se rappelle Sara, qui trouve que «c’est vraiment bizarre de faire connaissance avec des gens qu’on ne voit pas».
Toutefois, la Dre Janick Coutu souligne qu’il est normal de faire moins de nouvelles rencontres quand la vingtaine est derrière nous.
Non seulement la façon de rencontrer a grandement changée, mais en plus, on n’a plus le même âge. C’est sûr qu’à 20 ans, les opportunités de rencontrer des nouvelles personnes, c’est la vie chaque semaine. Plus on vieillit, moins c’est fréquent.
Dre Janick Coutu
Ghosting etc.
Qu’ils le veuillent ou non, des gens comme Sara se retrouvent à faire face à la musique des applications de rencontre: commentaires agressants, déferlement dans la messagerie et ghosting à qui mieux mieux. Dans son cas à elle, c’est au point où elle a choisi d’ouvrir ses comptes seulement aux autres femmes, même si elle est également intéressée par les hommes, qu’elle juge trop «intenses» dans leur approche sur le web.
«Comme avec tous réseaux sociaux, la difficulté c’est que l’écran fait qu’on va oublier que la personne à l’autre bout est un être humain qui a des émotions», rappelle la psychologue. C’est vrai que des remarques sur la grosseur des seins des gens avec qui on vient de faire connaissance, c’est plus rare en vrai que sur une application, disons.
À ça, on ajoute le volume. Sara, par exemple, a supprimé Tinder de son téléphone en étant exaspérée des 90 matchs qu’elle pouvait avoir chaque jour avec des hommes qui n’avaient visiblement ni lu sa bio ni appris les bases du savoir-vivre.
Imaginez un peu comment peuvent se sentir les gens dont les nombreux matchs se terminent en rejet. «Maintenant, en une soirée, on peut vivre cette déception avec 30 personnes différentes, note Dre Coutu. C’est sûr que ça a un plus grand impact.»
Apprendre le détachement
Pour préserver un minimum sa santé mentale à travers son usage des applications de rencontre, il existe quelques trucs. En tête de liste: se rappeler que notre valeur en tant qu’être humain n’est pas quantifiable par des rapports virtuels. Autrement dit, quand on se fait ghoster, on doit garder en tête que l’autre ne cherchait peut-être même pas à rencontrer réellement.
«Il faut être capable de prendre une certaine distance par rapport à ce qui se passe sur ces applications-là, être assez solide et avoir fait le deuil de son ancienne relation pour avoir une expérience qui n’est pas trop difficile sur l’estime de soi ou trop déprimante», conseille la Dre Coutu.
Je pense que la base, c’est d’avoir fait un bon travail sur soi. Il faut bien se connaître, avoir réglé son passé et être à l’affût de ses besoins. À partir du moment où on connaît nos vulnérabilités et qu’on ne prend pas les choses personnelles parce qu’on est capable de relativiser ce qui se passe sur l’application de rencontre, c’est sûr que l’expérience va être plus agréable.
Marie-Soleil Cordeau, coach de vie amoureuse
S’imposer des limites de temps et identifier les besoins qu’on cherche à combler font également partie des recommandations. On peut aussi s’ouvrir à des opportunités pour rencontrer en personne, par exemple en s’inscrivant à des activités de loisirs, tout en gardant espoir de trouver chaussure à son pied, que ce soit sur le web ou pas.
«Même mon père a rencontré sur les réseaux sociaux, je peux pas croire que ça ne m’arrivera pas!», lance Sara en rigolant.