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Sommes-nous si «wokes» en matière de sexe? 

Un couple de femmes couchées dans un lit, se caressant.
Photo: Mahrael Boutros - Unsplash

Vulve, relations LGBTQ2S+, kinks: la sexualité fait de plus en plus partie des conversations entre ami.e.s ou entre proches. Malgré ça, en parler publiquement demeure mal vu, surtout lorsqu’on s’éloigne du modèle hétéro standard. L’ouverture d’esprit a-t-elle (encore) des limites?

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les tabous et les préjugés en matière de sexualité demeurent, pense la bachelière en sexologie et tiktokeuse Anne-Marie Ménard.

Même si elle en parle allègrement à coups de vidéos virales, elle constate que les discussions sur la santé sexuelle ne sont pas encore normalisées, du moins qu’elles sont moins présentes dans l’espace public que celles sur la politique ou la santé mentale, par exemple.

«Je ne pense pas que les gens sont rendus 100% à l’aise d’avoir une conversation sur la sexualité comme on parle de la guerre en Ukraine ou du beau temps», illustre Anne-Marie.

Anne-Marie Ménard, tiktokeuse et bachelière en sexologie. PHOTO: Gracieuseté.

Le manque flagrant d’éducation sexuelle serait le principal coupable des tabous, des préjugés et des questionnements, selon la jeune femme.

C’est d’ailleurs pour fournir des réponses éclairées qu’elle a lancé ses comptes TikTok et Instagram Aulitavecannemarie en 2020.

«Je vois qu’il y a un grand besoin d’éducation autour de moi, indique-t-elle. Il y a deux ans, je suis allée chez le dentiste et quand j’ai dit que j’étudiais en sexologie, l’hygiéniste dentaire s’est mise à me poser des questions [à connotation sexuelle]. Dès que tu dis que tu es en sexologie, il faut s’attendre à se faire poser beaucoup de questions.»

Aujourd’hui, iels sont des centaines de milliers à suivre ses capsules informatives variées et totalement décomplexées sur les réseaux sociaux.

Gêne et préjugés

Certaines interactions sur les vidéos d’Anne-Marie témoignent de malaises qui persistent encore autour de certaines pratiques sexuelles parfois considérées «marginales», comme le BDSM ou les préférences sexuelles dites non conventionnelles (kinks).

Par exemple, Anne-Marie a récemment demandé à ses admirateurs ce qui les excite au lit («turn on») et ce qui ne les excite pas («turn off»). Les commentaires ont été exposés dans deux vidéos distinctes. La majorité des gens n’ont eu aucune gêne à faire part de leurs turn off, mais étaient pas mal moins loquaces en matière de turn on. Anne-Marie admet avoir eu du mal à trouver suffisamment de témoignages.

«On est comme conditionnés à parler des mauvais côtés de la sexualité comme le risque d’être enceinte ou d’avoir des infections, déplore Anne-Marie. Mais, quand on arrive dans les bons côtés, là, il y a une gêne. C’est dur de dire qu’on a du plaisir, mais nous sommes des êtres humains programmés pour ça. C’est simplement qu’on ne se donne pas la permission [d’en avoir].»

D’autres manifestent encore beaucoup de mépris lorsque la sexualité est abordée de manière non hétéronormative, autrement dit de façon inclusive, confie Anne-Marie.

«Je fais juste utiliser l’expression ‘’personne n’ayant pas un vagin’’ plutôt qu’utiliser les mots ‘’homme’’ ou ‘’femme’’ et je me fais ramasser par des gens outrés sur TikTok, dénonce-t-elle. On a encore de la difficulté à ne pas binariser [la sexualité] et à comprendre que c’est pas tout le monde qui ont un genre différent que leur sexe.»

Ce n’est pas le seul mythe basé sur des préjugés ou sur une vision dépassée de la sexualité qui circule en ligne. D’après Anne-Marie, plusieurs personnes croient encore en la notion d’«orgasme vaginal», alors que l’orgasme n’est pas causé lorsqu’on stimule le vagin, mais bien le clitoris, un organe externe… et interne.

«Je n’invalide pas l’orgasme. Tout ce que je fais, c’est que je l’explique autrement», précise-t-elle.

S’éduquer pour mieux comprendre

D’après Anne-Marie, méconnaître sa sexualité peut avoir des impacts sur la santé physique et mentale. «Quand on a tellement de questions qui restent sans réponse, on développe des souffrances», estime-t-elle. Ne pas être renseigné.e sur la contraception peut, par exemple, apporter de mauvaises surprises dans les culottes, comme penser qu’avoir de gros attributs est la norme au lit peut jouer sur l’équilibre mental.

Parler davantage de santé sexuelle en ligne et sur les réseaux sociaux est donc essentiel pour venir à bout de ce manque d’ouverture d’esprit, estime la bachelière en sexologie.

Au Québec, il n’y a plus de cours consacré à l’éducation sexuelle. Depuis 2018, on oblige simplement les enseignants à offrir 5 à 15 heures de notions sur ce sujet durant toute l’année scolaire, au primaire et au secondaire.

Plusieurs voix s’étaient élevées à l’Assemblée nationale en 2021 pour avoir un programme éducatif plus clair et défini en matière de sexualité. Pourtant, niet.

Les réseaux sociaux semblent avoir pris la relève. Au-delà des blagues maladroites, la tiktokeuse reçoit aussi beaucoup de remerciements de gens qui se sentent mieux compris ou qui se comprennent mieux après avoir vu ses vidéos.

«Il y a un homme qui m’a approchée dans la rue et qui m’a dit: je te suis sur les réseaux sociaux, tu m’as aidé à passer à travers ma dernière rupture et ça m’a aidé à comprendre les femmes, à comprendre comment j’agis, relate-t-elle. Je crois que la transformation personnelle peut passer par l’éducation».

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