Il faut se faire à l’idée, les frênes et les ormes, quoique dans une moindre mesure, sont des essences d’arbres appelées à disparaître du paysage de la capitale. L’insecte parasitaire comme l’agrile du frêne et la maladie hollandaise de l’orme s’avèrent des ennemis implacables. Pour des raisons de sécurité, il est inévitable d’envisager le recours à l’abattage systématique.
Voilà ce qui ressort du portrait des interventions sur la canopée présentées par la Ville de Québec, en comité plénier sur la foresterie urbaine et la gestion des maladies des arbres. Pour l’occasion, tous les experts de la municipalité étaient mobilisés. Ces derniers ont rappelé que la forêt naturelle évolue selon des cycles de croissance et de renouvellement. En milieu urbain, c’est l’humain qui intervient et dicte l’évolution du couvert boisé. Les arbres doivent donc être choisis pour leur adaptation et leur rusticité.
«Malgré tous les soins qu’on peut leur apporter, il y a des impondérables en raison des stress ambiants et des contraintes au niveau du sol. Celles-ci sont liées au développement résidentiel et des routes, avec leurs réseaux souterrains et leurs surfaces imperméables. Il faut aussi viser un éventail d’essences d’arbres le plus diversifié pour faire face au phénomène des changements climatiques», souligne François Légaré, directeur section de la foresterie urbaine à la Ville de Québec.
Enjeu de l’agrile du frêne
L’agrile est un coléoptère venu d’Asie qui n’a aucun prédateur en Amérique. Il prolifère donc rapidement et s’attaque à tous les frênes sur le territoire. Nos hivers rigoureux ne le ralentissent pas. Il cause des dommages au stade larvaire, alors que l’insecte évolue en creusant des galeries sous l’écorce. Cela empêche la montée de sève. Peu de signes avant-coureurs sont apparents au début, puis l’arbre dépérit rapidement.
Son apparition remonte au Québec en 2008 et à Québec en 2017. L’infestation a été décelée au centre-ville, mais l’insecte ravageur s’est propagé dans les secteurs ouest très boisés. C’est pourquoi l’abattage a débuté de ce côté, pour se poursuivre progressivement vers l’est. On dénombre environ 460 000 frênes en milieu urbain et forestier, tant public que privé, sur le territoire municipal. Cela représente environ 10% du couvert boisé. Les experts prévoient que le dépérissement surviendra sur huit à 10 ans.
«Les dommages seront de plus en plus apparents dans les années à venir. La Ville envisage certaines interventions pour prolonger cette période sur 15 ans, pour des besoins d’efficacité des opérations et de capacité financière (environ 3M$ par an). Les actions de la municipalité sont dictées par un souci de sécurité. Les frênes sont des arbres à croissance rapide plus fragiles aux bris et chutes de branches lorsqu’affaiblis», explique Christian Bélanger, conseiller en environnement.
Une première phase d’abattage touche 7100 frênes. Déjà 5000 ont été coupés. Rare alternative, le traitement coûteux au TreeAzin est réservé aux arbres ornementaux. D’autres options, comme le recours à un champignon pathogène et à des guêpes parasitoïdes, sont à l’étude. Cela permet de repousser l’abattage de quelques années, pour faciliter la gestion de la forêt urbaine. Toutefois, on ne fait que retarder le développement de la maladie, car il n’existe pas de remède contre l’envahisseur mortel.
«Dans leurs opérations, les équipes prélèvent uniquement les frênes. Lorsqu’il y a concentration, on procède à un remplacement par de nouvelles essences plus rustiques. Sinon, on laisse la nature se régénérer par elle-même. L’évolution de la situation est suivie de près. Les efforts d’information et de communication devront être maximisés auprès des citoyens, que ce soit par de l’affichage sur place, la diffusion via Internet, des rencontres en personne et autres», précise M. Légaré.
Il ajoute qu’à ce jour, le plan d’action se déploie selon les prévisions des experts. Tout se déroule comme prévu. La Ville prépare l’avenir et veut assurer la résilience de sa forêt urbaine en replantant des arbres de remplacement. À cet égard, le taux de succès se situe autour de 97%. Au centre-ville, les fausses de plantation de nouvelle conception devraient permettre de meilleurs résultats.
Enjeu de la maladie hollandaise de l’orme
Plus ancienne, cette affection causée par un champignon pathogène a d’abord été décelée en Europe en 1917, puis au Québec en 1944 et à Québec en 1947. Facile à diagnostiquer à l’œil par le flétrissement et la chute des feuilles en plein été, l’infection virulente requiert une intervention rapide. L’abattage est privilégié pour éviter la propagation et limiter dans le temps la perte de ces majestueux arbres ornementaux. Le taux de mortalité s’élève entre 90 et 97% selon les milieux. Québec a été confrontée à cette dure réalité dans les années 1970 avec le dépérissement des ormes sur la colline parlementaire. Un plan d’action a alors été élaboré par la Ville.
«On compte précisément 10 620 ormes d’Amérique en milieu municipal et 13 544 en milieu privé pour un total de plus de 24 000 sur le territoire de Québec. Parmi les mesures préventives se trouvent l’abattage rapide des arbres malades et l’injection d’un fongicide (Arbotect) pour préserver ceux présentant des critères lui valant le qualificatif de remarquable. La règlementation municipale oblige les propriétaires d’un arbre atteint à procéder à sa coupe dans un délai de trois semaines. Du soutien financier est prévu à cet effet», indique Patrice Roberge, premier technicien en foresterie urbaine.
Grâce à cette gestion proactive, la Ville abat en moyenne 500 ormes par an (1/4 publics et 3/4 privés). Cela permet de maintenir un taux de mortalité sous les 2%. Il s’agit d’un excellent résultat en vue de préserver les ormes sains et même de prévoir replanter de nouvelles essences d’ormes pour assurer leur pérennité dans l’avenir.
Efforts de préservation de la canopée
«L’objectif de tous nos plans d’action et programmes d’intervention consiste à préserver au maximum la canopée urbaine. La foresterie en milieu urbain doit être perçue comme une société végétale et nous agissons pour profiter au maximum des avantages qu’elle procure en ville», assurent Alain Tardif et Stéphan Bugay, respectivement directeur général adjoint des services de proximité et directeur prévention et qualité du milieu à la Ville de Québec.
Unanimement, les élus municipaux ayant participé au comité plénier ont salué la qualité de la présentation et du travail effectué sur le terrain. Ils estiment que ce tour d’horizon leur donne des repères et des outils pour répondre aux citoyens, qui sont nombreux à leur poser des questions sur le sujet. Car les gens sont passionnés et veulent protéger sinon augmenter la canopée sur le territoire municipal.