Le dernier restaurant PFK à Québec a fermé ses portes quelques jours avant la fin de l’année 2019. La fermeture cavalière a surpris la vingtaine d’employés de l’établissement du boulevard Wilfrid-Hamel qui se retrouvent maintenant sans emploi. Il y a déjà eu plus d’une douzaine de restaurants PFK dans la région de Québec. La chaîne a rassuré sa clientèle en mentionnant qu’elle avait l’intention d’ouvrir d’autres restaurants et de posséder au-delà de 600 restaurants au pays. Il y a cependant eu près de 30 fermetures de restaurants PFK au Canada en 2019, et plus de 1 400 pendant la dernière décennie à travers l’Amérique du Nord. En résumé, au cours d’une année, la chaîne ouvre à peu près le même nombre de succursales qu’elle en ferme, et ce, depuis 2004. Visiblement, la chaîne avec son baril emblématique de renommée mondiale en arrache et elle ne semble pas au bout de ses peines.
Les dirigeants mentionnaient éprouver des problèmes de recrutement et de rétention du personnel. Mais cette problématique affecte l’ensemble du secteur, et non seulement PFK. Alors ce n’est pas un argument qui tient vraiment la route. Et pour la restauration, la région de Québec offre une économie relativement stable, un avantage non négligeable pour un secteur qui connaît des taux de faillites et de fermetures très élevés.
Pour PFK, le « P » c’est pour poulet ! Mais voilà que le poulet devient un réel problème pour la chaîne. Le poulet est une protéine animale abordable et la compétition en restauration se manifeste férocement. La popularité du poulet n’est plus à faire, mais tout le monde vend du poulet. La plupart des supermarchés préparent des poulets entiers cuits sur place, souvent pour moins de 10 $ chacun. Un baril de 12 morceaux de poulet chez PFK se vend à partir de 21 $. De plus, développer de nouveaux créneaux comme McDonalds’ l’a fait avec les déjeuners s’avère une mission beaucoup plus difficile. À part la vente de sandwichs, de poulet désossé et de salade, comme partout ailleurs, se démarquer en ayant comme seule arme le poulet devient un défi hasardeux.
L’expérience client n’a pas changé énormément non plus depuis quelques années. Pendant que plusieurs chaînes rajeunissaient leurs salles à manger, PFK misait sur la nostalgie. La marque tentait une cure santé en favorisant le PFK pour dissimuler le mot « frit », mais en vain. La marque et le décor des salles à manger n’ont pas su s’adapter à une clientèle plus exigeante.
À l’instar de ces fermetures, PFK tente de faire tout de même un virage à la fois écologique et santé. À Mississauga, il y a de cela quelques mois, PFK a vendu du faux poulet, à base de protéines végétales, fabriqué par Maple Leaf, pendant une seule journée, le 26 novembre dernier. On ignore toujours si la chaîne ira de l’avant en offrant ce produit en permanence, mais elle n’aura peut-être pas le choix, compte tenu des tendances actuelles. D’ailleurs, le domaine de la restauration retient son souffle depuis l’été avec la fin du projet-pilote dans le sud de l’Ontario de McDonalds’ avec Beyond Meat pour son fameux PLT. McDonalds’ pourrait faire une annonce d’ici quelques semaines.
PFK Canada a aussi annoncé son intention de lancer une nouvelle gamme d’emballage plus respectueuse de l’environnement en vendant de la poutine dans des récipients fabriqués à base de fibre de bambou au début de cette année. Une autre expérience qui pourrait rafraîchir l’offre de la chaîne, sans pourtant vraiment faire une grande différence.
Pendant que la chaîne appartenant à Yum! Brands vieillit mal au Canada, elle connaît énormément de succès en Asie. Il n’y a pas si longtemps, un restaurant PFK ouvrait ses portes toutes les 18 heures. Des problèmes de salubrité alimentaires ont ralenti la cadence ces dernières années, mais la marque demeure populaire. Certains Chinois vont même souper en amoureux dans un PFK avec éclairage tamisé et chandelles aux tables. Une expérience totalement différente. Pour Yum! Brands, l’avenir de PFK est ailleurs qu’en Amérique du Nord, n’en déplaise à certains Occidentaux.
Nous ne verrons probablement pas disparaître PFK du Québec ni du Canada, du moins pas en 2020. Mais les chances sont minces pour que la chaîne ouvre plus d’établissements qu’elle n’en ferme.
Dr. Sylvain Charlebois, professeur titulaire, directeur principal, Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire