Politique

La mort de la reine pourrait réveiller les antimonarchistes

La mort de la reine Elizabeth II, décédée ce jeudi à l’âge de 96 ans, pourrait venir bousculer la monarchie en relançant le débat sur la pertinence de celle-ci dans certains pays du Commonwealth… dont le Canada. Surtout considérant le déficit de popularité de son successeur, Charles.

C’est ce que pense Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill.

La monarchie a fait face à des «défis importants» dans les dernières années, souligne M. Béland, avec la Barbade, «qui a décidé d’abandonner la monarchie et de se tourner vers un modèle républicain». Le soutien envers la monarchie au Canada est aussi en déclin, soutient-il.

Au Québec, «le soutien envers la monarchie n’a jamais été élevé», rappelle l’expert en monarchie. Celui-ci rapporte les résultats d’un sondage Angus Reid datant du mois d’avril de cette année démontrant que «71% des Québécois voulaient abolir la monarchie». Au Canada, en général, on parle de 51% de la population qui veut abolir la monarchie.

Le problème du successeur de la reine d’Angleterre, le prince Charles, maintenant le roi Charles III, «c’est qu’il est beaucoup moins populaire que sa mère», explique M. Béland. Selon lui, «c’est un problème».

Étant donné que Charles est moins populaire que sa mère, à moins qu’il réussisse à changer son image du jour au lendemain, disons que ce n’est pas une bonne nouvelle pour la monarchie.

Daniel Béland, professeur au Département de science politique de l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill

L’Australie n’échappe pas à ce mouvement antimonarchiste, puisque le gouvernement actuel de ce pays du Commonwealth prévoit consulter les Australiens lors d’un deuxième mandat au sujet de l’avenir de la monarchie. «Eux, ils prônent d’ailleurs un passage au système républicain». Il est très possible que ces mouvements aient créé des vagues qui se rendent jusqu’au Canada.

La reine est morte, vive le roi?

Alors que le premier ministre du Canada a qualifié la reine de «présence constante dans la vie des Canadiens» sur Twitter, concrètement, au quotidien, ce n’est pas exactement le cas. «On a déjà un nouveau roi», rappelle celui qui enseigne à l’Université McGill. «Ça se fait automatiquement dès que la reine meurt.» Ainsi, même si la cérémonie de couronnement doit avoir lieu vendredi, «la monarchie n’aime pas le vide, il y a tout le temps quelqu’un qui est assis dans le trône», rappelle M. Béland.

Je ne pense pas qu’il faut que les gens s’attendent à ce que ça change dramatiquement leur vie quotidienne.

Daniel Béland, professeur au Département de science politique de l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill

On voit déjà des impacts de la mort de la reine, notamment sur la campagne électorale. La Coalition avenir Québec (CAQ) a annoncé qu’elle mettait sa campagne sur pause pour la journée. «Ça pourrait avoir un impact à court terme, comme ça, sur les activités pendant la campagne électorale», croit Daniel Béland.

Il est à noter que le protocole suivant la mort de la reine risque de s’étaler sur quelques semaines, notamment car «les funérailles de la reine vont avoir lieu seulement dans dix jours», rappelle le professeur à l’Université McGill. Pour ce qui est du «deuil national» qu’observeront les pays du Commonwealth – dont le Canada fait partie – à la suite du décès d’Elizabeth II, «on n’a pas encore tous les détails», spécifie-t-il.

Selon M. Béland, le gouvernement canadien sait ce qui attend les Canadiens dans les prochains jours, «mais ce n’est pas encore public», soutient-il.

Il va y avoir un deuil officiel, évidemment, les drapeaux seront mis en berne, on le sait, mais pour le reste, je pense qu’il va falloir attendre un peu les annonces officielles.

Daniel Béland, professeur au Département de science politique de l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill

La loi sur la dévotion de la couronne

Depuis juin 2021, l’État québécois a soustrait ses institutions à une paralysie totale dans le cas de la mort de la reine en adoptant la loi concernant la dévotion de la couronne.

Ainsi, la dévotion de la couronne – autrement dit, la mort du monarque ou de la monarque – n’a «pas pour effet de mettre un terme aux activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux, ou de les interrompre de quelque manière que ce soit», dit la loi.

En plus d’être à la tête du gouvernement canadien (et des 15 autres pays du Commonwealth), la reine est également à la tête de l’Église anglicane. Les églises anglicanes devraient donc faire sonner leurs cloches pendant 96 minutes, pour les 96 ans de la reine.

Au niveau fédéral, la Chambre des communes, qui ne devrait se rassembler que le 19 septembre, devrait être rappelée «pour que le Parlement puisse réaffirmer sa loyauté à la monarchie». Au moment d’écrire ces lignes, la date exacte de ce retour au parlement n’avait pas été annoncée.

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