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Communauto était le rêve d’un étudiant et s’appelait «Auto-Com»

Benoît Robert, président fondateur de Communauto, au volant de la voiture numéro 3 d'Auto-Com, une Ford Festiva usagée, en 1994. Photo: Gracieuseté

Lancée à l’origine avec seulement deux Pontiac Firefly et une Ford Festiva usagée, Communauto en a parcouru, des kilomètres, depuis sa fondation en 1994, avant de devenir l’un des plus importants services d’autopartage en Amérique du Nord.

À la fin des années 80, Benoît Robert, grand cycliste et amateur de plein air, n’aimait pas les voitures. Malgré cela, cet étudiant de Saint-Bruno déplorait qu’il n’y ait aucun service offrant une auto au besoin, à un prix raisonnable et pour quelques heures, que ce soit pour aller magasiner ou pour accéder aux espaces verts plus éloignés. Il s’est donc intéressé à l’autopartage (qui n’avait pas encore ce nom à l’époque).

Pendant plusieurs années, Benoît Robert a étudié les différents projets du genre en Europe et aux États-Unis – des projets qui n’ont jamais vu le jour ou qui n’existaient déjà plus au moment de ses recherches. Il s’est demandé comment la viabilité économique d’un service d’automobile sur demande pouvait être assurée.

Pour moi, c’était un service qui était tellement extraordinaire que je ne comprenais même pas que ça n’existe pas déjà.

Benoît Robert, fondateur de Communauto

Au tournant des années 90, Benoît Robert a amorcé une maîtrise en aménagement du territoire à l’Université Laval. Au retour d’un voyage en Europe effectué pour y analyser l’autopartage, il a choisi son sujet de thèse: les impacts urbanistiques et environnementaux d’un service du genre en Amérique du Nord.

Seul bémol? Il n’existait aucun service d’autopartage au Québec. «Je ne pouvais pas étudier quelque chose qui n’existait pas», explique-t-il. L’étudiant a essayé de convaincre des services de covoiturage et des petites entreprises de location de mettre sur pied des projets pilotes, mais il s’est buté à des refus.

Sans expérience entrepreneuriale, il s’est donc lui-même lancé dans l’autopartage.

Benoît Robert, le fondateur de Communauto. Gracieuseté.

D’Auto-Com à Communauto

En 1994, suivant la recommandation d’un fonctionnaire du ministère des Transports, où il effectuait un stage, Benoît Robert a fondé Auto-Com, une coopérative d’autopartage dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, à Québec. Une étude de marché sur l’autopartage, réalisée auprès de résidents ciblés du quartier, lui a permis d’identifier les premiers clients.

Un dépôt de 50 $ sur des frais d’adhésion éventuels de 500 $ était exigé, car la coopérative avait besoin d’une mise de fonds de départ pour recevoir un financement de la Caisse d’économie solidaire Desjardins.

Auto-Com a été lancée avec une vingtaine d’usagers motivés et trois véhicules. «Ç’a été rentable dès le départ, parce que je ne me payais pas», se rappelle Benoît Robert, qui était alors le seul employé. «La règle, c’était: on offre un service de voiture libre-service 24h sur 24h, mais merci d’éviter d’appeler après 22h!»

Auto-Com a connu une croissance rapidement. À la fin de l’été 1995, Benoît Robert a fondé CommunAuto inc., une entreprise privée, à Montréal, avec l’aide de la militante du vélo urbain Claire Morissette (dont la piste cyclable sur De Maisonneuve porte aujourd’hui le nom). Un an après sa fondation, le service compte 197 membres et 23 véhicules. À la fin de l’année 1996, 447 usagers ont 34 voitures à leur disposition. La croissance de l’entreprise se compare avantageusement aux données recueillies par Benoît Robert en Europe.

J’avais déjà l’ambition que ça devienne gros. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que c’est moi qui allais le lancer.

Benoît Robert
Évolution du nombre d’usagers d’Auto-Com et de CommunAuto de 1994 à 1997. Source: Communauto.

Auto-Com et CommunAuto inc. ont fonctionné en parallèle pendant près de deux ans, avec les mêmes administrateurs, jusqu’en 1997, où les deux entités ont été fusionnées sous le nom Communauto.

La forme coopérative devenait un frein à la progression du service tel qu’il l’envisageait, explique M. Robert, laissant entendre qu’il existait certaines tensions entre lui et des membres de l’époque. Il ne voulait pas être l’employé de ce qu’il voyait comme un projet personnel.

Gérer la croissance

Alors que Communauto grandissait exponentiellement, quel était le plus grand défi pour gérer cette croissance? «Trouver des places de stationnement pour ajouter des voitures», répond sans hésitation Benoît Robert. Et ce défi demeure aujourd’hui.

Aux débuts de l’entreprise, à Québec, des vignettes étaient nécessaires pour le stationnement hors rue, rappelle-t-il. Or, ces vignettes ne pouvaient être vendues qu’à des particuliers. Des membres achetaient donc une vignette personnelle, qu’ils refilaient ensuite à la coopérative.

«Ç’a été long avant de pouvoir régulariser notre situation et de profiter d’une réelle contribution et du soutien des villes», souligne le fondateur.

À l’époque, il ne faisait pas de promotion et refusait fréquemment les demandes d’entrevue: «Il y avait plus de gens qui voulaient s’inscrire que notre capacité à ajouter des voitures pour répondre à la demande émergente.»

Le service s’est depuis grandement démocratisé. Dans les moments les plus marquants de l’évolution de Communauto, des membres de longue date consultés par Métro soulignent l’arrivée des véhicules en libre-service Flex, en 2013 (initialement appelés «Auto-Mobile») et le lancement de l’application mobile en 2015.

En 2022, Communauto compte plus de 5000 voitures. Plus de 10% des ménages montréalais sont abonnés au service. Communauto est en activité dans plusieurs grandes villes canadiennes, dont Calgary, Edmonton, Halifax, Ottawa et Toronto, ainsi qu’à Paris.

Même s’il se dit fier du chemin parcouru, Benoît Robert a toujours l’ambition de changer le monde. «J’aimerais que l’autopartage, et non la propriété d’un véhicule, devienne la norme.»

Histoires de Communauto

Sébastien Gagné, membre depuis 2001

Sébastien Gagné s’est abonné avant même l’apparition des réservations en ligne, en 2003. Il vivait alors à proximité de plusieurs stations du parc La Fontaine. Il se rappelle qu’il devait remplir un coupon de bord en papier lors de chaque trajet pour indiquer son kilométrage, coupon que les membres laissaient dans la boîte à gants.

Il n’a jamais eu de voitures, même avec deux enfants. «Je considère la voiture comme un boulet», lance-t-il au téléphone, soulignant s’être à l’époque abonné à Communauto par conscience environnementale.

Sébastien Gagné a songé à s’acheter un véhicule après l’arrivée de son deuxième enfant, mais a été rebuté par l’investissement nécessaire ainsi que par les coûts liés à l’entretien et aux assurances. «J’ai toujours regardé combien ça me coûtait Communauto, et ça me coûtait toujours pas mal plus cher d’acheter une voiture.»

Chloé Baril, membre depuis plus de 20 ans

«Je n’ai jamais eu d’auto et malgré ce que tout le monde nous disait à l’époque, oui, c’est possible avec une famille et juste Communauto!», déclare Chloé Baril, qui s’est abonnée au service à la naissance de sa première fille. Elle restait alors à proximité de la station de métro Jean-Talon, à distance de marche de cinq ou six stations Communauto.

Chaque station avait un boîtier qui contenait les clés de voiture, que les abonnés pouvaient débarrer. «Parfois, il était gelé l’hiver, il fallait frapper dessus!», se remémore-t-elle

Depuis, elle est restée fidèle au service, que ce soit pour les longs voyages de camping en famille, pour aller travailler chaque jour à Repentigny, ou même pour le déménagement de sa fille. Pour des raisons environnementales et économiques, mais aussi pour éviter les troubles découlant de la gestion d’une voiture.

Avec deux bébés, «c’était plus sportif comme organisation», reconnaît Chloé Baril. «Je me suis déjà retrouvée avec un siège de bébé sur l’épaule et les bébés dans la poussette double dans la neige [pour aller chercher ma Communauto].»

Carte des stations de Communauto à Montréal en 2001. Gracieuseté.

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