Visite du pape: des excuses publiques demandées par les victimes de prêtres
Des victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres ont demandé formellement au pape François 1er de présenter ses excuses au nom de l’Église catholique, dans le cadre de sa visite en sol québécois.
Un regroupement de victimes et de représentants juridiques ont mis sur pied une conférence de presse afin de demander des comptes à l’Église pour les torts subits par plus de 2500 victimes dont les dossiers se trouvent actuellement devant les tribunaux.
«On est heureux de la visite du pape au Québec, ça va nous permettre d’être entendus par le pape et son entourage», affirme Me Marc Bellemare, un avocat représentant plusieurs victimes d’abus sexuels de Québec.
Les cinq personnes présentes conviennent que l’objectif de leur démarche n’est pas de faire dévier la visite du pape de son thème central, soit la réconciliation avec les peuples autochtones. «Nous sommes à 150% solidaires avec les victimes des pensionnats. Cependant, nous ne voulons pas que les gestes des prêtres pédophiles passent sous le radar, c’est une situation très sérieuse et bien réelle», poursuit Me Bellemare.
Des gestes concrets
Un peu plus tôt dans la journée de jeudi, le regroupement mené par la firme Arsenault Duchesne Wee a dévoilé une lettre ouverte à l’intention du pape en lien avec les agressions commises par des membres du clergé catholique. Me Alain Arsenault, l’un des cosignataire et représentant juridique de plusieurs victimes, affirme que «bien que le Saint-Père ait diffusé un message qui invite à reconnaître les souffrances vécues par les victimes, ce ne sont pas toutes les congrégations religieuses du Québec qui vont en ce sens».
Dans la missive traduite en anglais et en italien, les deux avocats dénoncent le comportement de plusieurs congrégations religieuses et diocèses qui font usage de manœuvres qui vont à l’encontre des volontés exprimées par le pape.
«Ces stratégies de défense peuvent conduire à des délais d’attente de plus de 10 ans pour certains dossiers, sans nous interroger si certaines congrégations et certains diocèses prennent en considération l’âge des victimes pour faire allonger les délais, peut-on y lire. Nous vous informons que plusieurs victimes sont déjà décédées en cours de route, et que d’autres ne connaitront pas non plus le sort de ces dossiers de leur vivant.»
La lettre est cosignée par les deux hommes de loi, le porte-parole des victimes d’agressions sexuelles de prêtres, Roger Lessard, et de deux personnes qui ont subi des gestes à caractère sexuel de prêtres pédophiles, Gaétan Boivin et Shirley Christensen. Ils demandent au pape d’aller au-delà des prières pour poser des gestes concrets. «Pouvez-vous intervenir, pape François, pour rendre rapidement justice aux victimes d’agressions sexuelles par les membres de votre église, en donnant des instructions précises aux diocèses et aux congrégations religieuses du Québec […]?»
En plus de cette lettre générale, chacune des deux victimes a adressé un message très personnel en racontant les souffrances occasionnées par les gestes qu’ont posés les représentants de l’Église à leur égard.
Shirley Christensen, qui a été agressée plus de quarante fois par le même prêtre du diocèse de Québec, condamne l’attitude des institutions catholiques à son égard, pendant de longues procédures juridiques. «À aucun moment tout au long de ces épuisantes batailles, que j’ai menées afin de faire reconnaître mes droits de victime […] je n’ai eu droit à de la compassion de la part de quelque représentant que ce soit de l’Église catholique. Ni de mon agresseur, ni de son employeur et encore moins du Vatican», fait-elle valoir.
Le messager
Mis au courant de la lettre à l’intention du pontife, l’Archevêque de Québec, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, dit vouloir se faire le messager des victimes en «apportant personnellement cette lettre au Saint-Père».
«Nous le savons sensible à la douleur des victimes d’abus et convaincu que la vérité et la justice doivent primer. Si le pape François vient en premier lieu pour rencontrer les communautés autochtones de notre pays, le fil conducteur de sa visite sera le cheminement vers la vérité, la justice, la guérison, la réconciliation, l’espérance», conclut-il, par voie de communiqué.