Alexandre Bissonnette a été intimidé à répétition, a témoigné une ex-enseignante
QUÉBEC — Si tous les intimidateurs d’Alexandre Bissonnette devaient défiler dans la salle de cour, ce serait long, a déclaré au juge une ancienne enseignante de français du jeune homme, qui a perpétré la tuerie de la grande mosquée de Québec le 29 janvier 2017.
Lucie Côté a dressé un triste portrait des années d’école secondaire d’Alexandre Bissonnette, aux audiences sur la détermination de sa peine. Il a été son élève lors de deux années différentes, dans deux écoles.
Les autres élèves riaient de lui, le bousculaient, lui donnaient des coups, l’envoyant dans les murs.
«C’était au quotidien», a souligné Mme Côté, qui a été le premier témoin appelé à la barre par la défense.
«Si on devait faire défiler devant vous les intimidateurs d’Alexandre Bissonnette, vous devriez allonger votre agenda», a-t-elle lancé au juge Huot.
Il a développé des réflexes de nervosité et de peur, et ne se défendait pas, a-t-elle déclaré au juge François Huot, qui préside les audiences.
Si elle a vu d’autres cas d’intimidation en 32 ans de carrière, la situation de Bissonnette était pire. Au point où elle a jugé bon de prendre une vingtaine de minutes d’un cours de français pour faire réfléchir ses élèves à ce qu’ils faisaient subir à leur collègue de classe. Ça a changé un peu, mais ça n’a pas duré, s’est-elle désolée.
L’intimidation aurait commencé au secondaire, a-t-elle dit, rapportant les propos du directeur de l’école lors d’une réunion.
Elle a expliqué être venue témoigner de son plein gré, sans que personne ne lui ait demandé. «Après tout ce qu’il a enduré, je ne pouvais pas me taire». Elle s’en veut de ne pas être plus intervenue à l’époque.
Elle ne pouvait croire ce qu’elle a entendu aux nouvelles. Mais a pleuré.
Alexandre n’était pas un monstre, a-t-elle dit.
Des membres de la communauté musulmane ont écouté avec difficulté son témoignage.
Mme Côté a dit aux parents d’Alexandre Bissonnette, présents dans la salle de cour lundi, qu’ils ont été de bons parents, qui ont fait tout leur possible. Elle se souvient qu’ils étaient très présents à l’école, ne manquant jamais une remise de bulletin scolaire.
À Bissonnette lui-même , elle a dit «consulte, consulte, consulte», pour toutes les fois où de l’aide ne lui a pas été offerte, a-t-elle dit. Elle lui avait apporté un livre «Le moine qui vendit sa Ferrari». Un ouvrage empreint de sagesse, a-t-elle précisé. Elle l’a enjoint de se refaire «un bon coeur et une bonne âme».
Elle a demandé au juge de «lui laisser de l’espoir».
«Après la tragédie, j’ai croisé une élève qui avait échangé avec d’autres et elle m’a dit : «tu sais, il y a un petit peu de nous tous là-dedans», a dit l’enseignante à la retraite de 71 ans.
Les avocats d’Alexandre Bissonnette ont commencé à présenter lundi leurs éléments de preuve et leurs arguments afin d’obtenir la plus courte peine de prison possible pour leur client.
Un psychologue expert en évaluation de la dangerosité et en risque de récidive violente a commencé son témoignage. Il a rencontré Bissonnette à deux reprises, au début du mois d’avril, à la demande de son avocat.
Bissonnette a été déclaré coupable de six meurtres au premier degré et de six tentatives de meurtre pour l’attaque à la grande mosquée de Québec.
Vu la déclaration de culpabilité pour meurtre au premier degré, la peine est automatiquement l’emprisonnement à vie. Il reste au juge François Huot de la Cour supérieure de déterminer la période de temps avant que Bissonnette puisse demander une libération conditionnelle.
Il pourrait être condamné à passer 150 ans derrière les barreaux avant de formuler cette demande. Selon son avocat, il s’agirait d’une peine de mort par incarcération.
Ce dernier plaidera que son client ne devrait passer que 25 ans de prison avant d’être admissible à une libération conditionnelle.
Au cours des deux dernières semaines, la Couronne a présenté diverses preuves pour illustrer au juge toutes les circonstances de l’attentat. Elle a aussi fait entendre des survivants de l’attaque et des proches des victimes qui ont témoigné des terribles conséquences que celle-ci a eue sur leur vie.
Stéphanie Marin, La Presse canadienne