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«Témoin C.F.»: le courage de Catherine Fournier

Catherine Fournier relate l'agression qu'elle a subie et le processus judiciaire qui a suivi dans le documentaire «Témoin C.F.». Photo: Vrai

La mairesse de Longueuil et ancienne députée du Parti Québécois (PQ), Catherine Fournier, a fait lever mardi matin l’ordonnance de non publication qui empêchait de l’identifier publiquement comme la victime d’Harold LeBel. L’ex-député du PQ à Rimouski a été déclaré coupable en novembre dernier pour une agression sexuelle commise à son endroit à l’automne 2017.

Cette levée de l’ordonnance concorde avec la sortie de Témoin C.F., un documentaire du Bureau d’enquête disponible sur la plateforme Vrai dès mercredi. Au-delà du processus judiciaire au travers duquel on suit Catherine Fournier, ce qui frappe, c’est le courage dont elle fait preuve en partageant ainsi son histoire.

«J’ai accepté de faire ce projet de documentaire pour être cohérente avec qui je suis, pour respecter mes valeurs, l’entend-on dire dès les premières secondes. Mon propre cheminement à été long, il a été difficile. J’ai d’abord mis ça dans une petite case, dans ma tête. Mais […] les événements me revenaient en tête. J’ai choisi de dénoncer.»

Une identité dévoilée

L’identité de la victime dans l’affaire Harold LeBel était, tristement, un secret de Polichinelle. Le nom de Catherine Fournier a fuité dans les médias dès décembre 2020, quand son agresseur a été arrêté, malgré l’ordonnance de non publication.

Les détails de ce cafouillage sont exposés dans le documentaire. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a refusé d’émettre un communiqué qui aurait pu mieux garantir le respect de l’ordonnance, tandis que les médias ont chacun divulgué des informations qui, individuellement, ne dévoilaient pas l’identité de la victime, mais qui, une fois mises ensemble, permettaient de la deviner.

Outre les détails de l’agression, que Catherine Fournier raconte dans le documentaire, c’est probablement cet aspect qui choque le plus. C’est que la femme politique le dit et le répète: son expérience avec le système judiciaire a été positive, elle s’est sentie respectée, soutenue.

Mais de voir son identité révélée alors que c’était spécifiquement l’anonymat qui l’a ultimement convaincue de dénoncer, c’est un choc évident. La voix troublée par l’émotion, elle raconte comment, le jour même de l’arrestation d’Harold Lebel, sa grand-mère l’a appelée en pleurant, puis son père, alors qu’elle n’avait pas encore parlé de l’agression qu’elle avait subie avec des membres de sa famille.

Victimologie 101

C’est à partir de ce moment que deux journalistes du Bureau d’enquête, Marie-Christine Noël et Mathieu Carbasse, ont commencé à suivre Catherine Fournier pour documenter le processus judiciaire.

En parallèle, les journalistes ont mené des entrevues avec bon nombre d’intervenant.e.s, dont Jenny Charest, la directrice générale du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels de Montréal (CAVAC), un organisme qui a épaulé Catherine Fournier dans ses démarches.

Les propos de Madame Charest, avec le témoignage Catherine Fournier, sont nécessaires pour bien comprendre, par exemple, les sentiments conflictuels qui peuvent être ressentis par les personnes victimes ou encore le temps qui s’est écoulé entre l’agression et le dépôt de la plainte. «J’avais peur du jugement, de me faire dire que j’étais la petite jeune qui veut causer des problèmes», commente celle qui, du haut de ses 25 ans, venait de se joindre au caucus du PQ au moment de l’agression, commise par un député respecté par ses électeur.trice.s et ses pairs.

C’est d’ailleurs dans une salle du CAVAC que l’équipe du documentaire a accompagné Catherine Fournier le jour du verdict, la mairesse souhaitant être auprès de l’intervenante qui l’a suivie tout au long du processus. La réaction de cette courageuse femme lorsqu’elle entend que son agresseur est déclaré coupable est émouvante.

Une agression détaillée

Ce verdict arrive au bout des 70 minutes du documentaire, qui se concentre durant un long moment sur les détails de l’agression tels que cités au procès. Pour vulgariser les procédures, Catherine Fournier résume les étapes déjà passées: elle a porté plainte, puis elle a livré un témoignage filmé au poste de police, témoignage dont l’on voit d’ailleurs des extraits. Fait saisissant: jamais sa version ne change d’un poil, que ce soit à ce moment, durant le procès ou dans le documentaire.

À la caméra du Bureau d’enquête, la politicienne détaille le contexte de l’agression, survenue chez Harold LeBel, à Rimouski. Elle raconte comment il a caressé sa cuisse, a tenté de l’embrasser, l’a suivie quand elle s’est levée, a détaché son soutien-gorge, a essayé d’ouvrir la porte de la salle de bain où elle s’était enfermée, est venu se coucher auprès d’elle.

«Je pense qu’il a pensé que je me suis endormie, mais il a commencé à me toucher», poursuit-elle, la tête haute. Il a commencé à lui flatter les fesses, à y entrer ses doigts. «Ça a duré des heures. J’ai passé la nuit à me poser des questions: est-ce que je me lève? est-ce que je me sauve?» Elle a eu peur jusqu’au matin, quand une troisième personne, qui a passé la nuit dans une pièce voisine, est arrivée devant eux.

Ladite personne, qui ne peut être nommée en raison d’une ordonnance de non publication, témoigne dans le documentaire. Sa version, sans surprise, corrobore celle de Catherine Fournier.

En fait, la seule version qui diffère, c’est celle d’Harold LeBel au procès. Si Catherine Fournier est sortie de son témoignage devant le tribunal «soulagée, fière», celui de son agresseur lui a plutôt «levé le cœur». Mais même lui, qui a obtenu sa libération conditionnelle le 21 mars dernier, ne nie plus les faits aujourd’hui.

Témoin C.F. est disponible dès le 19 avril sur la plateforme Vrai.

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