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12 questions pour briser des mythes du sport féminin avec Guylaine Demers

La chercheuse Guylaine Demers affirme que l’avancement de la situation des femmes dans le sport canadien est beaucoup plus lent qu’en Europe. (Photo gracieuseté – site de l’Université Laval)

SENSIBILISATION. Guylaine Demers est une professeure émérite de l’Université Laval.

Les questions ont été conçues volontairement pour briser plusieurs mythes entourant le sport féminin.

Pourquoi il faut se soucier du sport féminin au Québec?

G.D.: «Pourquoi il faut se soucier du sport masculin? En posant cette question-là, on sous-entend que le sport féminin n’est pas légitime. C’est aussi sain pour les femmes de faire du sport et d’écouter du sport que pour les hommes. La vérité est que le sport devrait être accessible pour toute la population.»

Photo gracieuseté – 123 RF

Est-ce qu’il manque de modèles pour les jeunes filles qui font du sport?

G.D.:«Absolument. Si on exclut certains évènements sportifs clés comme les Jeux olympiques où la Journée de la femme, c’est très difficile pour une jeune fille de regarder une performance d’une athlète. La couverture médiatique pour le sport féminin frôle seulement le 5%. Il faut absolument sortir des médias traditionnels pour le faire. C’est quelque chose de possible avec les réseaux sociaux, mais il demeure que l’accessibilité au sport féminin est infime et l’importance des modèles féminins, c’est crucial.»

À quoi sert l’embauche d’entraîneurs féminins dans des sports comme la NFL où il n’y a pas de ligue professionnelle féminine?

G.D.:«Ça démontre que les compétences d’un coach ne sont pas liées au genre. Cela démontre également que les compétences d’un entraîneur ne sont pas liées au type d’athlète qu’il incarnait dans sa carrière comme joueur. Il est fort possible d’être un entraîneur de haut niveau sans avoir pratiqué le sport en question.»

Vrai ou faux. S’il y a un manque de ligues professionnelles féminines, c’est parce que ce n’est pas viable économiquement?

G.D. :«Faux. Pour démarrer la ligue, c’est normal qu’il y ait des pertes. Il faut seulement être plus patient avec le produit. La LNH dans les années 1970 était loin d’être aussi profitable qu’actuellement et on voudrait que le hockey féminin soit aussi performant et qu’on puisse remplir de gros arénas en commençant. Quand un évènement est bien organisé comme la Coupe du monde de soccer féminin en 2015 au Canada, et qu’il y a un investissement médiatique important, le succès vient avec. La promotion et la visibilité étaient là et il y avait 55 000 spectateurs dans le stade aussi!»

Est-ce que le sport professionnel féminin a absolument besoin d’avoir des hommes dans son auditoire pour réussir?

G.D.:«Je pense que oui. Personne ne peut se priver de 50% de la population. On ne peut pas se priver de revenus comme ça.»

Est-ce qu’il y a une crainte chez les employeurs d’organisations sportives d’être obligés d’embaucher une femme en raison de son sexe et non parce qu’elle est la meilleure candidate?

G.D. :«Quand on parle de cette notion de quotas, on se dit tout de suite qu’on veut engager la personne la plus compétente. Ce qui est intéressant avec cette notion, c’est que les organisations ne se posent jamais cette même question lors de l’embauche d’un homme. On présuppose que la femme n’est pas compétente. On assume que tous les hommes sont compétents alors que c’est complètement faux. Dans les sociétés d’états, où il y a des quotas obligatoires dans les conseils d’administration pour embaucher des femmes, on s’est rendu compte que les organisations devenaient plus performantes. Pourquoi? Parce que ce sont les hommes incompétents qui perdaient leurs emplois pour faire place à des femmes compétentes. L’organisation est gagnante. Ce phénomène commence à être documenté dans la littérature scientifique.»

S’il n’y a pas beaucoup d’entraîneuses dans des niveaux importants, c’est simplement que l’offre n’est pas là?

G.D.:«C’est faux. Il y a 19% de coachs féminins au Québec pour un nombre approximatif de 3600. À l’intérieur du sport féminin, c’est 45% des entraîneurs qui sont des femmes. Il y a plus d’opportunités qu’il y a 30 ans alors que beaucoup de programmes scolaires se tournent vers l’embauche de coachs féminins, mais c’est plus difficile dans les emplois de haut niveau.»

Qu’apporte de différent un entraîneur féminin de son homologue masculin?

G.D.:«Il y a des différences. L’expérience que la femme va vivre dans son parcours sportif est différente de celle d’un l’homme. Dans le meilleur des mondes, je souhaiterais que les athlètes se fassent coacher autant par un entraîneur féminin que masculin parce qu’ils sont complémentaires.»

Est-ce que les femmes ne sont pas mieux outillées pour gérer la prochaine génération d’athlètes qui répondent moins bien au style directif?

G.D. :«Oui, absolument. Les femmes sont mieux outillées à ce niveau. Le style autoritaire et directif est appelé à disparaître, mais les entraîneurs de la nouvelle génération se sont adaptés à cette clientèle qui exige de savoir pourquoi avant de faire un exercice.»

S’il y a très peu de femmes dans les postes importants des organisations sportives au Québec, c’est parce qu’elles ne sont pas capables d’encaisser la pression qui vient avec?

G.D. :«C’est faux, le problème à la base c’est qu’elles n’ont pas accès à ce poste. Il faut changer la façon de faire des organisations et afficher les postes de façon globale. Quand un employeur embauche seulement dans les candidats qu’il connaît déjà, ce sont très souvent seulement des hommes. De façon indirecte, on exclut les femmes systématiquement du processus. Cela devient un cercle vicieux. L’autre problème survient une fois que la femme est embauchée. Les organisations laissent cette femme se débrouiller seule sans la soutenir et lui donner des conditions gagnantes pour réussir. Comme si cette femme devait porter le fardeau de toute la cause sur ses épaules.»

C’est quoi le plus grand mythe avec le sport féminin?

G.D :«Les femmes n’ont pas les compétences et l’intérêt pour réussir en sport.»

Qui sont vos trois sportives préférées?

G.D.:«La golfeuse Brooke Henderson, la hockeyeuse Marie-Philip Poulin et la joueuse de soccer Christine Sinclair. De façon locale, je dirais Isabelle Grenier qui a fait beaucoup pour l’avancement du basketball féminin.»

 

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