Confrontées à un manque d’éducatrices – particulièrement d’éducatrices spécialisées – et à un manque de subventions, les travailleuses de la petite enfance ont des craintes quant au nouveau système d’attribution des places en garderie par Québec, même si celui-ci laisse entrevoir des améliorations pour les enfants et l’égalité des chances.
C’est un véritable séisme qui s’apprête à bouleverser le réseau québécois de la petite enfance. Jusqu’ici autonomes dans l’attribution de leurs places, les garderies subventionnées devront bientôt suivre un système centralisé établi par Québec qui donnera la priorité aux enfants défavorisés ou ayant des besoins particuliers.
Besoin de travailleuses
«La pénurie [de main-d’œuvre] est criante, on a des postes vacants!», s’exclame Stéphanie Vachon, représentante du secteur des Centres de la petite enfance (CPE) à la Centrale des syndicats nationaux (CSN). Elle ajoute que le réseau manque d’éducatrices spécialisées, un poste essentiel pour accompagner les enfants avec des besoins particuliers.
De nombreux postes d’éducatrices spécialisées ne sont pas des postes à temps plein, note de son côté la présidente du Syndicat des intervenantes en petite enfance de Montréal (SIPEM-CSQ), Anne-Marie Bellerose. Les CPE sont souvent contraints d’offrir des postes à temps partiel, car ils dépendent de subventions provinciales.
«Le métier doit être plus valorisé», avance Stéphanie Vachon. Elle pense aussi qu’améliorer les conditions de travail des éducatrices spécialisées est nécessaire, car, contrairement aux éducatrices de la petite enfance, «elles peuvent aller ailleurs, dans le réseau de l’éducation ou de la santé», où les salaires sont plus intéressants.
«Les enfants des employés doivent aussi être prioritaires pour obtenir une place en garderie», réclame la présidente du SIPEM-CSQ. «Sinon, les travailleuses ne pourront pas revenir au travail.»
Il y a une course à la construction [de CPE et de garderies], mais on ne forme pas assez de travailleurs et travailleuses pour faire fonctionner ces nouveaux endroits.
Stéphanie Vachon, représentante du secteur des CPE à la CSN
Des subventions demandées
«Si on accueille plus d’enfants avec des besoins particuliers, il nous faut des moyens en plus», dit Mme Bellerose. La CSN partage ce point de vue et demande davantage de subventions venant de Québec.
Mme Vachon précise qu’actuellement ces subventions «ne sont pas suffisantes», le nombre d’enfants avec des besoins particuliers ayant notamment augmenté ces dernières années. «On n’arrive pas à répondre à la demande.»
De plus, l’obtention d’un diagnostic pour les enfants ayant différents besoins particuliers n’est pas chose aisée dans le système public, explique la représentante des CPE à la CSN. Or, sans ce diagnostic, les CPE et garderies n’obtiennent pas de subventions. Dans le système proposé par Québec, de tels enfants pourraient ne pas être priorisés.
Ça va prendre une augmentation des subventions pour pouvoir accueillir les enfants avec des besoins particuliers et une amélioration des conditions de travail. C’est un travail exigeant et épuisant.
Stéphanie Vachon
Des retombées pour les enfants
Pour Stéphanie Vachon, les garderies sont excellentes pour le développement de l’enfant, dont ceux avec des besoins particuliers. «On l’accompagne dans toutes les sphères de son développement.»
Gabrielle Caron-Carrier, chercheuse en psychoéducation, observe que la fréquentation des garderies a des conséquences positives pour les enfants. On observe un «meilleur apprentissage émotionnel et cognitif». Cela favoriserait même un meilleur accès à l’école et serait lié à de plus longues études.
Même si peu de données et d’études existent sur le sujet, elle affirme que pour les enfants avec des besoins particuliers, la garderie pourrait favoriser la préparation à l’école.
Enfin, Mme Caron-Carrier et Mme Bellerose abondent dans le même sens pour ce qui est des familles précaires: une priorisation de leurs enfants pourrait permettre aux mères de retourner au travail, et donc de potentiellement sortir le foyer d’une situation économique instable.