Les épisodes de canicule risquent de se multiplier et, avec eux, des conséquences encore mal connues sur la santé. Comment mieux les appréhender ? Le professeur en physiologie intégrative humaine, Daniel Gagnon, plongera des volontaires… dans un bain très chaud !
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Par Isabelle Burgun | Agence Science-Presse
Il faut savoir que si l’exposition à la chaleur est particulièrement problématique chez les personnes âgées et celles atteintes de maladies cardiaques, elle n’a pas que des effets négatifs. « Notre objectif est de recréer en laboratoire les conditions de chaleur extrême que l’on rencontre dorénavant en Amérique du Nord et d’évaluer la réponse des malades », explique le chercheur nouvellement recruté par le département de recherche du Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal.
Comme si cela ne suffisait pas, son équipe de recherche revêtira également les participants de combinaisons climatisées dans lesquelles circule de l’eau très chaude, afin de maintenir la température corporelle à un seuil critique, tandis que la personne sera alitée. En surveillant les principaux signes vitaux, notamment avec une échographie cardiaque, les chercheurs évalueront la capacité du corps à s’adapter aux grandes chaleurs.
« Ce sera un peu comme avoir une bonne fièvre. Notre perception de la chaleur, ou du froid, diffère de notre réponse physiologique — la réponse de notre corps — et ce n’est pas forcément mauvais pour notre santé. C’est ce que nous voulons vérifier », explique le chercheur.
Suer pour rester en santé
Près d’un demi-siècle après avoir ouvert ses portes, le Centre de médecine préventive et d’activité physique ÉPIC — pour « étude pilote de l’Institut de cardiologie » — poursuit ses activités de recherche et de prévention auprès des patients de l’Institut et de ses nombreux membres inscrits à ses activités physiques.
Le centre ÉPIC subit actuellement une cure de jeunesse avec différents travaux d’agrandissement et de rénovation. Le nouveau laboratoire en constitue l’un des fruits avec sa nouvelle salle environnementale munie d’une porte hermétique, d’une baignoire et d’un système de régulation de température allant de moins 20 degrés à 70 degrés C, susceptible de recréer différentes conditions de température, mais aussi d’humidité.
Les travaux de recherche sur les effets de la canicule sur l’humain se feront en collaboration avec une équipe australienne, même si les conditions de chaleur diffèrent là-bas. « En Amérique du Nord, nous parlons de pics de chaleur à 35 degrés pour 60 % d’humidité contre 45 degrés en Australie avec seulement 10 % d’humidité », note le professeur Gagnon.
C’est également ici que les chercheurs vont étudier des alternatives moins énergivores à la climatisation. Par exemple, se tremper les pieds dans l’eau froide, boire des boissons glacées, s’éponger régulièrement ou utiliser les ventilateurs.
Mais « il y a une controverse autour de l’utilisation des ventilateurs pour se rafraîchir. Ils augmentent les échanges de chaleur entre la peau et son environnement et chez les personnes âgées qui suent moins, cela n’a qu’un effet mitigé », relève M Gagnon. Pour se rafraîchir, il vaudrait mieux utiliser une éponge humide que l’on passe sur notre corps.
Prévenir, une manière de soigner
Prévenir plutôt que guérir, voilà très longtemps que ce leitmotiv résonne aux oreilles du Dr Martin Juneau, directeur de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal.
L’espérance de vie des Québécois, après s’être allongée, stagne et même recule. « La prévention reste le parent pauvre de la médecine : 1 % des budgets santé. Même si les effets à long terme sont démontrés, il faut toujours porter ce message auprès des politiciens », souligne le Dr Juneau. Pourtant, et les inscriptions au centre EPIC le montrent, le public en veut plus. Sensibilisés aux enjeux de l’obésité, du diabète ou des maladies coronariennes, les Québécois se disent en faveur d’investissements dans des mesures simples : transport actif, alimentation santé, aménagements sportifs, etc.
L’étude pilote qui allait donner son nom au centre en 1968 avait démontré les bienfaits de la prévention dans la vie des patients. Ouvert depuis 1972, le Centre ÉPIC accueille aujourd’hui des milliers de membres. Et au détour d’un escalier, d’un vestiaire ou sur un terrain de badminton, ils sont nombreux à courir vers leur activité sportive préférée.
Car c’est par le sport que la prévention commence. Après une visite médicale, chaque membre s’inscrit à l’une des activités (piscine, cardio, course, vélo, etc.) parmi lesquelles on retrouve aussi le yoga, la danse et la Zumba. Au fil du temps, le profil des membres a changé : autant de femmes que d’hommes fréquentent désormais ce centre sportif un peu spécial. « Elles s’intéressent plus à leur santé et désirent des installations plus confortables. Cela nous permet de varier l’offre, avec du taï chi, du Pilates et des cours de cuisine santé », ajoute le Dr Juneau.
L’alimentation santé fait d’ailleurs partie des préoccupations d’ÉPIC depuis longtemps. Deux nutritionnistes ont été embauchés dès les années 1990. Cours de méditation pour lutter contre le stress, entraînement par intervalles, de nombreux cours proviennent directement de l’avancement des connaissances en matière de prévention.
Martin Juneau, qui s’était intéressé à l’effet du froid chez les personnes cardiaques, s’intéresse aujourd’hui au jeûne — une avenue encore peu orthodoxe pour les patients, mais qui, selon lui, présente d’intéressants résultats. « On ne parle pas de jeûne total, plutôt de jeûne partiel — des périodes où l’on peut se nourrir dans la journée, entre 12 heures et 18 heures, par exemple — susceptible d’avoir des effets positifs sur notre santé ».
L’an dernier, le centre ÉPIC s’est doté d’une nouvelle aire entièrement vouée aux activités de recherche. « Il suffit de mettre une annonce au babillard et nous avons des dizaines de participants disponibles tout de suite », soutient le Dr Juneau.
Bénéfique aussi pour le cerveau
En 2016, le neuropsychologue du vieillissement Louis Bherer s’est joint à l’équipe. Celui qui a été le premier directeur scientifique du centre PERFORM de l’Université Concordia, un centre dédié à la promotion de la santé par le style de vie, poursuit ainsi ses recherches sur la détection du déclin cognitif et sa prévention.
« L’exercice physique a un impact sur le cerveau — cela diminue le risque de démence de 30 %, selon une étude. Le changement de style de vie, les interactions sociales ou encore une bonne alimentation, pourraient aussi ralentir les troubles cognitifs », soutient celui qui est également le directeur du Laboratoire d’étude de la santé cognitive des ainés (LESCA).
Le chercheur s’est intéressé récemment à la combinaison exercice physique, entraînement cognitif et vitamine D chez les aînés. « L’aérobie seule n’est pas suffisante, c’est pourquoi nous privilégions une approche multiple incluant vitamine D et exercices cognitifs ; les résultats sont encourageants à partir de la troisième semaine ».
On ne peut pas stopper le vieillissement. Mais il serait peut-être possible de le ralentir un peu grâce à la médecine préventive et surtout, de réduire les problèmes avec un corps et un cerveau en meilleure santé. Avec plus de prévention et moins de sédentarité.