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Don d’organes : déconstruire les tabous par la sensibilisation

802 personnes sont actuellement en attente d'un don d'organe au Québec.

MÉDECINE. Alors que le Québec est affecté par les effets de la pandémie et enregistre un recul de près de 20% des dons et transplantations, la Semaine nationale du don d’organes rappelle l’importance d’aborder le sujet avec ses proches.

«Si j’avais quelqu’un qui hésite devant moi, je lui dirais que c’est la plus belle chose qu’il puisse faire, le plus beau cadeau à faire à quelqu’un d’autre», a déclaré Sylvie Thomassin. La Lévisienne, mère de trois garçons, a perdu son fils, Michael, 28 ans, des suites d’une hémorragie cérébrale massive. À son arrivée à l’hôpital, elle est approchée par l’équipe médicale qui lui demande si elle souhaite procéder au don d’organes. «À ce moment, j’ai regardé mes deux autres garçons, nous nous sommes parlés, et j’ai dit ”votre frère avait signé sa carte. Si vous êtes d’accord, je vais signer le papier et votre frère va le faire”», a-t-elle confié.

Simon Tétreault, résident à Ste-Foy, a quant à lui subi une transplantation cardiaque en 2019. «La première année, tu y penses tous les jours. Plus le temps avance, plus tu t’habitues, ça devient normal et tu continues ta vie», a-t-il témoigné.

En parler de son vivant

Qu’il s’agisse de donner ou de recevoir, bien souvent, les individus sont confrontés de manière abrupte à la situation. «On entend que cela arrive aux autres, mais on ne s’attend jamais à ce que ça nous arrive», a confirmé la mère de Michael. «Avant mon expérience, c’est sûr que non, je ne pensais pas au don d’organes car je ne m’y attendais vraiment pas», a évoqué pour sa part Simon Tétreault.

Michael Thomassin, considéré comme un «héros» par sa famille après avoir fait don de ses organes. Il a également reçu la médaille «Ambassadeur de la Santé» à titre posthume.

À cette soudaineté s’ajoute l’incapacité pour le candidat de s’exprimer puisque par définition, à cet instant, son cycle de vie s’achève comme l’explique le Dr Matthew Weiss, directeur médical du don d’organes à Transplant Québec. «À ce moment, c’est votre famille et vos proches qui seront approchés et qui devront prendre votre décision finale. S’ils savent que toute votre vie vous vouliez être donneur, la décision va être facile. À l’inverse, ça devient une décision difficile à prendre à un moment où ils sont déjà bouleversés par la perte et où c’est compliqué d’avoir des pensées éclairées».

Selon Transplant Québec, chaque donneur a le pouvoir de sauver jusqu’à huit vies et de redonner la santé à 20 personnes. Simon Tétreault avait par la suite ressenti le besoin d’aborder le sujet après son opération. «Au mot transplantation, je me suis dit, ”ok , je suis dans cet univers”. En sortant de l’hôpital j’ai commencé à faire ma propre sensibilisation avec ce que je savais». Une expérience de vie qui aura également libéré la parole chez ses proches. «Eux aussi se sont mis à parler, ça a fait comme une chaîne», a constaté le jeune homme.

Un sujet tabou

«Il y a une sensibilité autour du don d’organes. Il y a ce tabou qui est de reconnaître que l’on va tous mourir un jour», a lancé le Dr Weiss. De nombreux spécialistes s’entendent autour du fait que ce n’est pas cette cause qui est un sujet délicat mais plutôt la mort. Le directeur propose une piste de réflexion, en pensant cette action comme une suite et non comme une fin. «Comment le don d’organe peut s’intégrer dans nos soins de fin de vie, qu’est ce que l’on veut laisser comme héritage pour quelqu’un d’autre? a-t-il interrogé. Si on encadre l’idée de don d’organes ainsi, ça peut devenir un très beau geste de fin de vie».

Le Dr Matthew Weiss propose d’aborder le don d’organes comme un facteur inhérent aux soins de fin de vie.

Sylvie Thomassin a mentionné cette aisance avec laquelle elle a pu autoriser le prélèvement des organes de son fils grâce à sa conviction, elle-même générée par la liberté avec laquelle le sujet était abordé au sein de sa famille. «Dans notre cas, ça n’a pas été quelque chose de déchirant de le faire car nous en avions parlé. S’il fallait le refaire, je le referais». Un sujet qu’elle avait d’ailleurs abordé avec ses enfants dès leur plus jeune âge. «Quand ils étaient petits, je leur disais toujours, ”si jamais il arrive quelque chose et bien maman va décider de donner vos organes à d’autres petits amis qui en ont besoin”. Il faut en parler, c’est important de savoir ce que les gens veulent et pensent», a-t-elle insisté.

Quid du consentement automatique ?

Au Québec, le don d’organes est un acte volontaire. En Nouvelle-Écosse, la province a adopté une loi sur le consentement implicite depuis le 18 janvier 2021. Ainsi, tout citoyen devient potentiellement un donneur sauf en cas de refus explicite.

«Ça devrait être comme ça partout», a exprimé Simon Tétreault avec conviction. Il pense également que ce choix relève de la liberté individuelle. «Le don d’organes c’est pas blanc ou noir, ca a ses teintes de gris. Si quelqu’un ne veut pas, je respecte son choix».

Simon Tétreault a ressenti le besoin de sensibiliser son entourage après avoir été transplanté du cœur en 2019.

D’après une étude réalisée par Transplant Québec, 20% des familles québécoises ont refusé le don d’organes d’un de leurs proches malgré le consentement écrit du donneur, «si des familles ont dans leur entourage des personnes favorables au don à leur mort, s’il-vous-plait, respectez leur volonté», a-t-il réagi.

Même opinion sur la question du côté de Mme Thomassin. «Il faudrait faire l’inverse. Si la personne ne veut pas, alors là elle doit donner son avis. Le don lui devrait être automatique. On aurait moins de gens en attente et aussi plus de compatibilité entre donneur et receveur», a-t-elle argumenté.

Pour le Dr Weiss, cette notion, bien qu’elle puisse «jouer un rôle» pour faciliter le don d’organes ne deviendra pas «une solution magique». Selon lui, l’enjeu serait en premier lieu que les Canadiens aient confiance dans leur système de santé. «C’est le point clé. Les gens doivent savoir qu’au Canada, on va d’abord tout faire pour sauver votre vie avant de vous considérer comme un futur donneur», a soutenu le médecin.

802 personnes sont actuellement en attente d’un don d’organe au Québec en 2020.

Pour exprimer son consentement, la campagne «Dites-le» propulsée par l’organisme Transplant Québec offre plusieurs possibilités sur son site web.

 

 

 

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