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Doit-on généraliser les codes vestimentaires non genrés? 

Ces dernières années, le milieu scolaire a été marqué par des controverses et mouvements de contestation concernant la manière de s’habiller des élèves et surtout par la façon de la régir. En 2022, peut-on s’attendre à une généralisation des codes vestimentaires non genrés?  

La longueur des jupes et des shorts, la largeur des bretelles, la profondeur des décolletés sont tous des éléments généralement pris en compte dans un code vestimentaire dans lequel des règles bien précises, au centimètre près, sont établies.  

En visant principalement le corps et l’habillement des filles, qui sont les premières à être rappelées à l’ordre, ces règles «réitèrent une logique genrée, binaire et hiérarchique en matière de genre», croit Rose Moisan-Paquet, étudiante au doctorat en sociologie de l’Université Laval dont le mémoire de maîtrise portait sur les codes vestimentaires. 

Ces codes seraient hérités selon elle «de la panique morale autour de l’hypersexualisation des filles au début des années 2000». «On règlerait le problème de “la trop grande sexualité des filles”, entre guillemets bien sûr, en mettant en place un code vestimentaire», poursuit-elle. 

Mais alors, un code vestimentaire non genré, qu’est-ce que ça donnerait?  

Le cas Robert-Gravel 

Pour se faire une idée, il suffit de se tourner vers l’école secondaire Robert-Gravel, située dans le Mile End et spécialisée en arts de la scène, qui a fait parler d’elle dans la dernière année en adoptant un code vestimentaire non genré. 

Au mois de novembre dernier, le directeur de l’école, Ronald Jean-Pierre, a en effet décidé de supprimer tout élément genré du code vestimentaire de l’école. Un changement survenu sous la pression de nombreux parents, élèves et enseignant.e.s qui souhaitaient voir disparaître l’ancien code vestimentaire, jugé sexiste et dépassé.  

Durant plusieurs mois, un long travail de concertation a été mené pour établir de nouvelles règles non genrées. Plus permissif, le nouveau code interdit toutefois le port d’une casquette ou d’un chapeau ou que l’habillement laisse voir les sous-vêtements ou parties intimes de l’élève, peu importe son genre. 

«[Pendant les sept mois où aucun code vestimentaire n’était appliqué], on n’interpellait plus aucun élève si le commentaire qu’on s’apprêtait à faire visait un genre plus qu’un autre», résume le directeur. 

Et concrètement, qu’est-ce qui a changé? La direction de l’école a-t-elle noté des conséquences néfastes? 

«On voit plus de nombrils et plus de bretelles spaghetti, c’est tout. Mais, il n’y a eu aucune catastrophe. Aucune fille n’est venue toute nue à l’école. Les garçons ont réussi leurs examens ministériels. Rien n’indique qu’ils aient été déconcentrés pendant leur cours de maths par une bretelle spaghetti ou un nombril», rigole M. Jean-Pierre. 

Encore des barrières 

Tandis que le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) se penche sur un guide pour soutenir les établissements dans l’élaboration de codes vestimentaires inclusifs, il revient encore à chaque école de déterminer son propre code vestimentaire. 

À la suite du mouvement des carrés jaunes, lancé par des élèves de l’école secondaire Joseph-François-Perrault en 2018 pour dénoncer des codes vestimentaires jugés sexistes, plusieurs écoles ont promis qu’elles allaient les revoir. Mais depuis, peu de changements ont vraiment eu lieu et «on attend encore un changement à grande échelle», indique Rose Moisan-Paquet. 

Encore en mai dernier, l’école Père-Marquette faisait les manchettes alors que des employés étaient accusés d’avoir touché les jambes de plusieurs élèves pour vérifier la longueur de leurs shorts et jupes. L’indignation avait été telle qu’une manifestation avait été organisée devant l’école.  

L’uniforme pour tous? 

Dans ce contexte l’uniforme, qui impose le même look à tous et toutes, serait-il une solution au problème du code vestimentaire?  

De nombreuses écoles l’utilisent déjà, mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, celui-ci n’empêche pas les filles puissent se faire réprimander pour leur tenue, notamment pour la longueur de leur jupe. Au Collège Jean-Eudes, des garçons avaient d’ailleurs attiré l’attention sur cet enjeu en 2020 en portant des jupes en classe, mais le code vestimentaire n’a pas évolué depuis.  

L’uniforme représente aussi un autre inconvénient du fait que «le vêtement est une pièce importante du développement de l’identité», indique la psychologue Lou-Ann Morin. «Les périodes de l’enfance et de l’adolescence sont très importantes pour le développement identitaire. Avoir trop peu de liberté dans les médiums d’expression, notamment le vêtement, nuit à ce développement», poursuit-elle.  

C’est particulièrement vrai pour les jeunes qui ont une expression de genre qui sort des normes. La privation de liberté peut avoir des conséquences négatives sur la qualité de leur développement, et même sur leur santé mentale, croit l’experte. Ainsi, la psychologue estime qu’un uniforme ne devrait pas être trop rigide et qu’il devrait laisser une certaine liberté d’exploration.  

«La résistance à laisser de la liberté – par exemple laisser une personne porter la jupe et un polo plus “masculin” – vient de la peur d’avoir à gérer l’intimidation et d’une incompréhension de l’importance de l’expression de genre dans le développement de l’enfant et de l’ado. » 

Plutôt que de dicter comment les élèves doivent s’habiller, conclut-elle, la solution serait de mieux former les milieux scolaires pour les aider à gérer les situations de harcèlement et d’intimidation.  

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