RECOURS. La Ville de Québec doit-elle dédommager l’entrepreneur Robert Gingras à la suite de l’infestation de rats qui a forcé la démolition, en 2013, de l’édifice commercial dont il était propriétaire, à l’intersection des boulevards Cloutier et Henri-Bourassa? Non, vient de trancher la Cour supérieure, même si elle lui reconnaît une faute de négligence dans ce dossier.
Le 10 août 2012, Robert Gingras et sa fille Nadine déposent un recours en dommages contre la Ville de Québec, l’accusant du mauvais entretien des égouts desservant le secteur, à l’origine, selon eux, d’une invasion peu commune de rats dans l’immeuble du boulevard Henri-Bourassa. La présence «inhabituelle et anormale» de rongeurs dans la bâtisse remonte alors au printemps 2009.
Experts et spécialistes interviendront sur les lieux, à la demande de Robert ou Nadine Gingras, mais «loin de s’améliorer, la situation s’aggrave en 2011», peut-on lire dans le verdict. Réparations, clapets, tests de fumée…: on ne parvient pas à cibler les sources d’infiltration. Au début de l’année 2012, ce sont presque tous les locaux de l’édifice qui se retrouvent infestés.
Fissures
Avisée de la situation, la Ville procède à la dératisation de l’égout du secteur en février. Un test de caméra révèle la présence de fissures dans la conduite principale – mais déjà documentées en 2006, sans traces de rongeurs à cette époque comme en 2012. Pour cette raison et parce qu’on est en hiver, on «ne juge pas nécessaire d’excaver et de réparer la conduite» à ce moment-là.
En mai, la Ville découvre une autre fissure, cette fois sur la conduite secondaire. Elle sera réparée dans les jours suivants, en même temps que la conduite principale. Dès lors, «l’infestation s’estompe et on voit de moins en moins de rats», jusqu’à n’en plus voir en juillet.
L’ampleur de la décontamination est telle que l’entrepreneur démolira la bâtisse afin d’en ériger une nouvelle, en 2014. Amendée à plusieurs reprises, la réclamation à la Ville s’élève finalement à un peu plus de 3M$ pour compenser la perte du bâtiment puis sa reconstruction, la perte de loyers et de revenus, ainsi que les troubles et ennuis encourus au fil de cette «histoire d’horreur».
Pas de lien de cause à effet
«Les nombreux rats, le questionnement quant à leur provenance et la connaissance de la présence de fissures auraient dû amener la Ville à réparer le trou au mois de février 2012», a établi le juge Daniel Dumais dans sa décision, reconnaissant à la partie défenderesse une part de négligence dans le dossier.
Mais si faute il y a, donc, elle n’est pas nécessairement pour autant la cause des préjudices subis par Robert Gingras et sa compagnie. Celui-ci n’a pas réussi à prouver que les canalisations fissurées étaient à la source de l’arrivée des rats. Au regard de la Cour supérieure, cette hypothèse vaut bien celle de la Ville, qui postule que les rongeurs avaient élu domicile dans l’immeuble dès 2009 en raison des déficiences structurales ou du système de plomberie.
Ce que, d’ailleurs, a été forcé d’admettre le juge Daniel Dumais: tout en reconnaissant les efforts et les moyens déployés pour rendre la bâtisse étanche en plein cœur du problème, il reste que l’entrepreneur a sa part de responsabilité en vertu du règlement municipal.
Ces efforts dans un tel contexte «épouvantable» ont néanmoins été pris en considération dans la décision de la Cour, qui stipule que dans les circonstances malheureuses où la Ville a eu un rôle à jouer, «il n’est pas approprié de faire supporter les frais par les demandeurs. […] Le recours sera donc rejeté sans frais.»
Interpellée, la Ville de Québec s’est contentée de répondre qu’elle allait prendre connaissance du verdict. Quant à Nadine Gingras, il n’a pas été possible de la rejoindre au moment de publier.
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Québec Hebdo