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S’habiller, consommer et penser autrement

Un vêtement à moins de 20$ c’est certain qu’il n’a pas été fait de façon éthique, pense Myriam Laroche. Photo: Photo gracieuseté Isabelle Jetté

L’industrie de la mode et la surconsommation de vêtements sont un enjeu de plus en plus décrié par les protecteurs de l’environnement. C’est la raison pour laquelle, selon Myriam Laroche, originaire de l’ile d’Orléans, experte du milieu de la mode écoresponsable, la réutilisation et la vente de vêtement usagés vont devenir une tendance au cours des prochaines années.

Après des études en mode et un parcours en tant qu’acheteuse pour de grandes compagnies de vêtements comme Jacob, Myriam Laroche a eu une grande prise de conscience à un moment de sa carrière, ce qui l’a poussée à changer ses façons de faire. Depuis, elle travaille à rendre les pratiques plus écoresponsables dans l’industrie du vêtement et elle encourage les gens à acheter leurs vêtements usagés.

«Si vous n’êtes pas encore à l’aise d’acheter des vêtements usagés, faites au moins partie de l’économie circulaire en donnant les vôtres. Et avant d’aller les porter dans une friperie, offrez-les à votre famille et à vos amis. Ou alors, prêtez-les pendant quelque temps pour les récupérer après quelques saisons et avoir envie à nouveau de les porter», conseille-t-elle en insistant sur le fait qu’il est mieux pour l’environnement que nos vêtements soient en circulation que de les laisser dormir dans notre garde-robe.

Une règle qu’elle conseille, et qu’elle suit elle-même, c’est d’enlever des vêtements de son placard avant d’en acheter d’autres. «On achète beaucoup trop «au cas» et on garde aussi beaucoup trop «au cas», pense-t-elle. Acheter seconde main a aussi l’avantage de permettre de se procurer des vêtements plus luxueux à moindre cout, tout en réutilisant. Il faut trouver ce qui a du sens pour nous dans notre consommation de la mode, sans juger les autres.»

Naturel ou synthétique?

Magasiner usagé demande de la méthode et du temps, mais aussi de faire des choix éclairés. «C’est très controversé en ce moment parce qu’il n’y a pas de produit parfait pour l’environnement. Le polyester est extrêmement polluant parce qu’il perd des particules au lavage qui se retrouvent dans nos cours d’eau. Mais, en même temps, il sèche facilement donc prend peu d’énergie. Le bambou était super à la mode il y a quelques années parce que le bambou, ça pousse vite, mais d’un autre côté on réalise maintenant que sa transformation nécessite beaucoup de produits chimiques», expose-t-elle.

Cela crée donc une zone grise dans l’industrie du vêtement qui teste encore beaucoup de paramètres face aux divers impacts environnementaux des textiles naturels et synthétiques.

Il faut se sortir de l’idée que les vêtements usagés sont sales ou pour les pauvres. On va plutôt avoir plus de compliments parce que ça nous aide à développer un style plus unique, plus créatif.

Myriam Laroche

Myriam Laroche travaille pour instaurer des changements durables de nos habitudes de consommation. En tant que stratège en mode écoresponsable, elle sensibilise les entreprises et le public aux dommages causés par l’industrie du vêtement. À cet effet, elle démarrera son agence de mode écoresponsable Collective Détour le 4 mai prochain, dont les bureaux seront sur Saint-Vallier. Avec l’aide de son associée, Abby Marino, elle offrira des services-conseils aux organismes, entreprises et écoles.

«Je veux que les gens comprennent qu’on ne peut pas utiliser le mot écoresponsabilité si on ne peut pas prouver que personne n’a été exploité dans la chaine de production d’un produit», explique-t-elle. Une démarche qui n’est pas simple dans un monde où tout tourne autour du profit. «En ce moment ce qui manque c’est d’aller calculer le retour sur cet investissement vers des pratiques plus vertes. Plusieurs grandes marques, comme Zara, auront bientôt des sections «usagé» de leurs propres collections.»

La principale intéressée se considère moins flexible dans sa vision des choses qu’avant la pandémie. Elle croit fortement que des changements doivent être faits de façon urgente et que le seconde main prendra de plus en plus de place dans les prochaines années.

«Il n’y en a plus de tendances parce que ça change chaque mois. Il faut revenir au style. Être tendance et avoir du style, ce sont deux choses complètement différentes. Il faut voir comment on peut avoir plusieurs looks, mais avec moins de vêtements. Un pantalon de qualité plus cher, on va le garder plus longtemps parce qu’il nous fait bien plutôt que d’en acheter plusieurs cheap et qui ne font pas aussi bien. On peut aussi acheter des pièces plus classiques et les modifier avec des chaussures et des accessoires. Il faut tomber en amour avec nos vêtements!»

Comment adopter une mode plus écolo?

  • Porter ce que l’on a déjà dans notre garde-robe. «C’est super important. On essaie de garder nos vêtements dans leur forme initiale le plus longtemps possible.»
  • Quand on ne veut plus nos vêtements, on les donne au lieu de les jeter. «On ne jette pas de textiles! Même ceux qui sont endommagés. Les grosses compagnies comme le Village des Valeurs vont tout reprendre.»
  • Prévoir du temps pour magasiner seconde main.
  • Commencer par un accessoire si on n’est pas familière avec le concept d’acheter usagé.
  • Aller d’abord dans une friperie au lieu du Village des Valeurs puisque dans la friperie il y a déjà une sélection de vêtements qui a été faite au préalable.
  • Regarder les étiquettes pour savoir d’où vient le vêtement et en quoi il est fait. «Les vêtements faits en France, en Italie ou au Canada sont souvent de meilleure qualité.»
  • Identifier nos valeurs. «Par exemple, ne pas vouloir porter de cuir ou de fourrure ça part d’une bonne intention de ne pas tuer d’animaux, mais les faux cuirs et la fausse fourrure c’est produit avec tellement de produits chimiques et ça ne se décompose pas complètement. Le vrai cuir lui est biodégradable. C’est plus difficile que l’on pense de trouver un équilibre!»
  • Si l’on souhaite ajouter une couleur flash à notre garde-robe, sans savoir si on l’aimera sur le long terme, les friperies sont le meilleur endroit, pense la spécialiste.
  • Il faut aussi regarder pour les matières plus luxueuses comme la soie, la laine, ou le cachemire que l’on trouve à une fraction du prix dans l’usagé. 

Quelques statistiques chocs

  • Les Nord-Américains envoient plus de 10 millions de tonnes de vêtements à la décharge chaque année, alors que 95% pourraient être réutilisés ou recyclés.
  • Actuellement, la plupart des vêtements et autres textiles finissent dans les sites d’enfouissement ; moins de 1% sont recyclés.
  • Le Nord-Américain moyen jette 37 kg de textiles par an.
  • L’équivalent d’un camion de déchets rempli de textiles est jeté ou incinéré chaque seconde.
  • Les femmes représentent environ 80% de la main-d’œuvre du secteur de l’habillement dans le monde.
  • Les vêtements représentent plus de 60% du total des textiles usagés et dépendent principalement de ressources non renouvelables, notamment du pétrole pour produire des fibres synthétiques, des engrais pour faire pousser du coton et des produits chimiques pour produire, teindre et finir les textiles.
  • Poussées par la culture de surconsommation, les 15 dernières années ont vu une augmentation de la production de vêtements de près de 200%, et la consommation est supérieure de 60% dans le même laps de temps.
  • Mondialement, le nombre moyen de fois qu’un vêtement est porté avant qu’il ne cesse d’être utilisé est de 7 fois.
  • 50% de la mode éphémère produite est jetée moins d’un an plus tard.

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