Les Monstres intérieurs, ou comment survivre quand ce pour quoi on vit disparait
LITTÉRATURE. Six ans après la sortie de La Tueuse de dragons, Héloïse Côté nous permet de retrouver les personnages de Thad et Deirdra et leur univers avec son dernier roman, Les Monstres intérieurs, paru en octobre dernier. Maintenant que les dragons ont disparu, Deirdra, qui ne vivait que pour battre le record du plus grand nombre de dragons tués, se retrouve sans repères, que fera-t-elle maintenant?
Les Monstres intérieurs est le dernier roman d’Héloïse Côté. (Photo TC Media – Marie-Pascale Fortier)
Écrire une suite six ans après la sortie du premier tome a été un défi pour Héloïse Côté. «La première chose que j’ai faite, ça a été de relire La Tueuse de dragons. Les petits détails étaient rendus vraiment loin dans ma tête», explique l’auteure de Québec.
«Je ne voulais pas que ce soit une suite fidèle du type: il faut absolument avoir lu La Tueuse de dragons pour pouvoir lire Les Monstres intérieurs. Je voulais essayer de faire une suite quand même autonome, et aller complètement ailleurs».
Maintenant que les dragons ont disparu de l’univers de Deirdra et Thad, Héloïse Côté s’est mise à réfléchir sur la question du monstre en littérature: pourquoi les auteurs creusent la question du monstre, comment ils le font?
C’est de cette manière qu’elle a trouvé comment construire l’intrigue pour Les Monstres intérieurs. Elle ne voulait pas que les personnages combattent encore des dragons pour ne pas «que ce soit du réchauffé».
Dans cette suite, Héloïse Côté explore aussi l’idée de la fin d’un monde. Dans La Tueuse de dragons, Deirdra tue des dragons et d’emblée, elle dit que c’est plus difficile d’exercer ce métier parce qu’il y en a moins qu’avant. Dans Les Monstres intérieurs, il n’y en a plus du tout. Ils ont disparu. «Deirdra a la réaction humaine de tomber dans la débauche, un passage par un déclin pour émerger vers quelque chose de plus beau», explique Mme Côté.
La chasse aux dragons a emmené Deirdra à mener un certain type de vie, mais «qu’est-ce qu’on fait quand on a plus nos repères et qu’il faut se reconstruire une nouvelle vie?», s’est demandé l’auteure. «Je trouve que c’est un thème très riche que de partir d’une culture, et de devoir en reconstruire une nouvelle». Elle estime que c’est aussi quelque chose qu’on vit aujourd’hui avec la question des changements climatiques, et que d’y réfléchir à travers la fantasy est une idée intéressante.
Explorer des zones sombres
Même si la fantasy est un genre littéraire que les adolescents aiment beaucoup, Héloïse Côté soutient que les Éditions Alire se retrouvent toujours dans les sections pour adultes en librairie, donc s’adressent davantage à un public adulte. Dans cette série, elle aborde des sujets comme les inégalités sociales, la violence et le viol.
Dans La Tueuse de dragons, Héloïse Côté se forçait pour la première fois à parler «de plein de choses qui la rendent mal à l’aise», explique-t-elle. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle elle était hésitante à donner une suite aux aventures de Deirdra. «Ça n’aurait pas fait un personnage crédible et cohérent si Deirdra avait une certaine retenue et une certaine pudeur, étant donné qu’elle est un personnage très intense, qui va au bout de tout et qui a déjà consommé de la drogue, comme on s’en doute dans Les Monstres intérieurs».
«Quand j’écrivais La Tueuse de dragons et que j’écrivais des scènes de viol, parce que Deirdra est une victime de viol, je devais fermer mon ordinateur pour aller prendre l’air», se rappelle l’auteure.