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Port de caméras par les policiers? Certains citoyens en ont déjà

François Ducas et sa femme, Karine Frechette. Photo: Jean Numa Goudou/Métro Média

Avant de quitter Repentigny pour Montréal, l’enseignant François Ducas, qui a eu maille à partir avec le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR), avait équipé sa propre voiture de caméras pour circuler, aller travailler ou faire son épicerie, afin de colliger des preuves (vidéo) contre des patrouilles policières.

Le Montréalais en avait assez de se faire interpeller sans motif, et ce, même devant ses élèves, à la sortie de son établissement scolaire. Il est allé jusqu’à porter plainte contre la Ville de Repentigny et a obtenu gain de cause en 2022. Ce dernier s’est vu verser la somme de 8000 $ en dédommagement.

Il dit se sentir mieux à Montréal maintenant, mais M. Ducas ne se départit pas de son dispositif de prise d’images.

«J’ai toujours ma caméra dans mon auto, dit-il en entrevue avec Métro, sauf que je conduis moins, car je travaille à proximité de chez moi. La seule personne qui conduit, c’est ma conjointe, puis elle est blanche.»

Dans un rapport rendu public vendredi dernier, le ministère de la Sécurité publique (MSP) recommande au gouvernement du Québec de déployer des caméras portatives dans toutes les équipes policières de la province.

Transparence et confiance

Le MSP évoque au moins quatre aspects que le port de caméra viendrait encadrer dans le contexte du profilage racial, en particulier: l’interpellation policière; l’interception du véhicule d’une personne sans qu’une infraction ait été constatée; la présence d’un risque de décès ou de blessures graves d’une personne dans le cadre d’une intervention policière; l’emploi de la force à l’endroit d’une personne.

«Cela va empêcher les policiers de mentir, de faire des abus. Là, ils vont se sentir un peu plus surveillés. C’est bien», estime François Ducas.

Du point de vue du MSP, il s’agit surtout d’une question de clarté dans le travail policier, mais aussi pour le citoyen ordinaire.

«Il est permis de croire que les quatre types d’événements sélectionnés répondraient en majeure partie aux attentes du milieu policier, de la population en matière de transparence et de confiance», indique le rapport.

Fo Niémi, le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), parle d’un document très bien préparé avec beaucoup de détails et l’accueille favorablement. Son organisme aide les victimes de profilage racial à porter plainte par-devant la déontologie ou la Commission des droits de la personne.

«Les recommandations sont très encourageantes et positives. Je crois que c’est une direction inévitable pour le Québec», estime le responsable du CRARR.

Montréal, plus favorable

L’administration de la mairesse Valérie Plante est en accord avec l’idée du port de la caméra. De plus, le nouveau chef de la police, Fady Dagher, qui a piloté le premier projet en ce sens en 2015-2016 au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), y est également favorable.

Soixante-dix-huit agents du Plateau-Mont-Royal, de Lachine et de Montréal-Nord, ainsi que des patrouilleurs du métro et des policiers affectés à la sécurité routière, y ont pris part pendant environ un an. Et la Ville, à l’époque, estimait pourtant que les résultats n’étaient pas concluants.

De plus, M. Dagher débarque fraîchement de la direction de la police de Longueuil, où il a instauré un projet pilote similaire.

«On est de plus en plus dans une société surveillée, filmée. Les citoyens, depuis quelque temps, ont le droit de filmer les interventions», note Fo Niémi, qui dit toutefois comprendre les hésitations des autorités, étant donné les coûts de déploiement d’un tel projet.

Le MSP et son plan B

On parle de coûts d’opération se situant dans une fourchette de 20 à 200 M$. Le MSP craint déjà que le gouvernement n’aille pas de l’avant avec les recommandations et évoque un plan B, le cas échéant.

«Si le gouvernement du Québec décidait de ne pas aller de l’avant avec le scénario de déploiement décrit, le MSP devrait tout de même produire un encadrement de l’utilisation des caméras portatives pour les organisations policières par des principes directeurs», indique le rapport.

Le postulat du MSP voudrait que l’utilisation de caméras engendre une faible incidence quant à la charge de travail des policiers et une incidence raisonnable quant à l’administration de la justice.

Le rapport a toutefois des réserves sur les effets tangibles qui n’ont pas été démontrés actuellement sur:

• le nombre d’événements d’emploi de la force;

• le nombre de plaintes à la déontologie policière;

• l’issue des procès, bien que la durée pourrait être réduite dans certains cas;

• l’augmentation de la confiance;

• des changements dans l’interaction entre la police et le citoyen.

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