Des centaines d’autochtones et d’allochtones se sont amassés devant la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré pour assister à une messe papale historique. Entre rires et larmes, les membres des Premières Nations présents se disent prêts à pardonner l’Église, mais se souviennent de leurs maux. Certains ont accepté de partager leurs réactions face aux excuses du pape à Métro.
La journée est particulièrement émotive pour une ancienne pensionnaire, Mamiamskum. Accompagnée de son mari, elle se remémore douloureusement les quelques années passées dans différents pensionnats, qu’elle a été forcée de fréquenter dès l’âge de 4 ans.
C’était horrible. Les professeurs nous donnaient des coups de bâtons, de clefs. La nourriture était immonde, on nous forçait à nous couper les cheveux très courts.
Mamiamskum
Lorsque ses parents ont réussi à l’extirper de cette horreur, Mamiamskum ne parlait plus sa langue maternelle: on l’avait forcé à l’oublier, en lui apprenant le français. «Je ne pouvais plus parler à mes parents. Je me rappelle bien qu’ils pleuraient», se rappelle-t-elle.
De meilleurs jours
Mais Mamiamskum ne baigne pas dans la rancune, bien au contraire. «Je suis tellement contente de voir tout le monde réuni, et surtout de voir le pape prendre le temps de s’excuser à nous. Je pense qu’il est honnête.»
Elle et son mari, Pierre Dominique, sont croyants. Ce dernier a assisté au passage du pape Jean Paul II au Québec, en 1984. «Si on veut être pardonné, il faut pardonner, considère M. Dominique, natif de Schefferville, à près de 1000 km de Québec. Je crois aux excuses et au pardon de l’Église.»
En mémoire
Carrie Dedam a franchi les huit heures de route qui séparent son Nouveau-Brunswick natal de Sainte-Anne-de-Beaupré. Assister à la messe représentait un devoir pour elle. Elle l’a fait en hommage à un ami de la famille, pensionnaire à Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse, de ses 4 à 16 ans. «Il a été dans les pensionnats tellement longtemps qu’il en a perdu sa langue, sa culture. Il n’a jamais été capable de réintégrer sa communauté», raconte Mme Dedam, également issue des Premières Nations, avec émotions.
Mme Dedam a choisi de venir avec le portrait de son ami, décédé il y a six ans. «Je suis certaine qu’il aurait voulu être ici, pour être en paix avec son passé», estime-t-elle.
Somme toute, elle est satisfaite des excuses prononcées par le pape.
Je trouve ça bien, même si ce n’est pas assez. Je trouve ça regrettable qu’il ne fasse pas mention des violences sexuelles imposées aux pensionnaires, c’est pourtant très important.
Carrie Dedam
Vent de jeunesse
La messe historique attire des spectateurs de tous les âges. Jeremiah Savoie, 14 ans, a insisté pour parcourir sept heures de route avec ses grands-parents pour assister à l’événement.
Certains membres de sa famille ont vécu des horreurs dans les pensionnats, raconte-t-il. «On me raconte des histoires de gens frappés, tenus dans des cages, forcés à se mettre la main sur le poêle, partage-t-il. Rien ne pourra pardonner ce qui s’est passé: des enfants sont morts quand même».
Pour lui, la présence du pape s’avère tout de même un bon pas vers la réconciliation.
Le pardon est important pour nous, parce qu’on nous a souvent dit qu’on était rien. Qu’on n’était pas comme les autres humains. Un jour, j’aimerais qu’on comprenne qu’on est seulement des personnes normales.
Jeremiah Savoie
Les membres des Premières Nations et des pèlerins se sont rassemblés devant la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré dès 5h30. Environ 10 000 places étaient disponibles, mais seulement 1600 à l’intérieur. La majorité d’entre elles étaient réservées aux membres des Premières Nations.
Des centaines de policiers de la Sûreté du Québec ont été déployés pour l’occasion, ainsi que de nombreux agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).