Un constat saute aux yeux quand on consulte le rapport sur l’État de l’énergie au Québec, publié cette semaine par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal: il faut améliorer l’efficacité globale du système énergétique de la province.
«Les ventes d’essence sont à la hausse, le parc de véhicules à essence grandit et grossit, la superficie de plancher à chauffer est toujours en croissance et l’amélioration de la performance énergétique des industries est insuffisante», peut-on lire dès les premières lignes du communiqué de presse accompagnant la publication du rapport.
Sans mesures additionnelles à celles identifiées dans le Plan pour une économie verte 2030, le Québec ne pourra décarboner de façon structurante son économie et atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050.
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie du HEC
L’épais rapport dévoile une perte énergétique totale de 49% de l’énergie produite et transformée au Québec. On observe que 960 pétajoules (PJ) sont totalement perdus, alors que 956 PJ sont transformés en énergie utile. «Ces résultats donnent à penser qu’il est indispensable d’améliorer l’efficacité globale du système énergétique», soutient la Chaire.
1 pétajoule = 10 15 joules ou 278 GWh
1 pétajoule correspond à la consommation énergétique d’environ 10 000 ménages québécois, vulgarise le rapport
La région de Montréal est par ailleurs la plus grande consommatrice d’électricité de la province, avec un total de 30 térawatts-heures (TWh) en 2021, soit 14 611 kilowatts-heures (KWh) par habitant.
Le transport en cause
L’industrie du transport ainsi que l’approche québécoise vis-à-vis celle-ci portent une grande part de responsabilité dans l’inefficacité actuelle du système de la gestion de l’énergie au Québec.
La part des ventes de VUS et autres camions à essence a encore augmenté dans le marché. En 2021, elle représentait 71% des ventes contre 24% en 1990. Pour ce qui est des voitures électriques, elles représentaient 9% des ventes de nouveaux véhicules; 57% de ces ventes étaient dans la catégorie des camions. À noter qu’un VUS électrique peut consommer 50% plus d’énergie qu’une voiture électrique.
Bien que toujours plus basse qu’avant la pandémie, les ventes de produits pétroliers auraient «beaucoup remonté» dans le secteur des transports routiers, note également le rapport.
Dans ce graphique, disponible en page 7 du rapport, on constate que des 420 PJ injectées en transport, 406 PJ proviennent de l’extraction de pétrole. De ces 406 PJ, seulement 105 terminent leur parcours en tant qu’énergie utile. Le reste (315 PJ) est totalement perdu.
Bien que l’impact de l’industrie du transport sur la l’État de l’énergie soit central dans le rapport, le ministère des Transports du Québec n’a pas pu offrir de réaction à Métro, n’ayant «rien là-dessus» et ne considérant pas être le ministère concerné.
«Dernier de classe» en termes de productivité énergétique
Le Québec traîne par ailleurs de la patte en comparaison avec l’Ontario au chapitre de la richesse générée par unité consommée. La productivité énergétique de la Belle province est ainsi inférieure de 17% de celle de sa voisine de l’ouest. Elle est toutefois légèrement au-dessus de la moyenne canadienne.
En comparaison avec l’international, le Canada est «dernier de classe» en matière de productivité énergétique.
Aux niveaux fédéral et provincial, il n’existe à ce jour aucun recensement officiel et public de l’ensemble des projets des nouvelles filières énergétiques et ce, «malgré leur importance pour la transition énergétique», se désole la Chaire de gestion.
Les données portant sur l’exploitation et le rendement de ces nouvelles filières énergétiques – soit l’hydrogène, le gaz naturel renouvelable (GNR) et les biocarburants – dans la province ne sont guerre reluisantes. Des études portant sur l’hydrogène vert sont toutefois à l’étude ou en développement, et quatre nouveaux projets d’injection de GNR sont attendus et permettraient d’atteindre la cible de Québec pour 2023.
Pour réussir la transition, il faudra en priorité réduire notre consommation énergétique.
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie du HEC
«Globalement, le secteur de l’énergie n’évolue pas à la hauteur des ambitions climatiques au Québec», peut-on lire dans le communiqué de presse.
Sollicités par Métro, le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques affirme qu’il ne réagit pas à la sortie de rapports, études ou articles scientifiques. Il précise cependant qu’il «suit l’évolution des données scientifiques et ajuste ses pratiques conséquemment».
«L’action climatique du Québec, qui inclut notamment la transition énergétique, est mise à jour annuellement par le biais du Plan de mise en œuvre, ajoute le ministère. Celui-ci s’appuie sur les dernières données et innovations scientifiques. Le Plan directeur en transition énergétique a pour sa part été révisé en juin 2022.»
Également sollicité par Métro, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie n’avait pas commenté le rapport au moment de la publication de cet article.