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Les violences entre partenaires LGBTQ2+ encore trop méconnues

Les violences entre partenaires LGBTQ2+ restent encore taboues au sein des communautés. En découle une difficulté à les identifier, qui s’ajoute à une absence de données récentes et à un manque de ressources adaptées. Trouver une ressource d’hébergement d’urgence relève donc du miracle pour ces populations marginalisées, qui ne sont pas épargnées par ce type de violences.

Denis-Martin Chabot est un journaliste et artiste pluridisciplinaire gai. Ce soixantenaire a été témoin d’une tout autre époque, celle où sévissaient la répression policière et la crise du VIH, avec lequel il vit depuis plusieurs années.

Pendant plusieurs années, Denis-Martin s’est retrouvé sous l’emprise de partenaires violents. Ces derniers lui on fait subir différentes formes de violences: physique, sexuelle, psychologique ou encore économique.

Quand je me suis retrouvé en relation avec des hommes […] je me disais qu’on est tellement réprimé qu’entre nous, nous allions être bons l’un envers l’autre, mais je me suis trompé. Parce qu’on reproduit dans nos communautés ce qu’est la répression et l’oppression qu’on subit à l’externe et, naïvement, je ne pensais pas que ça m’arriverait.

Denis-Martin Chabot, journaliste et artiste pluridisciplinaire

Tout a commencé avec ce charmant homme d’origine américaine qu’il rencontre à Montréal. Au départ, tout allait bien, «comme dans toutes les relations du genre». Mais progressivement, la violence s’installe au sein du couple et la forme qu’elle prend change rapidement.

«Il était de plus en plus violent verbalement et il l’est devenu physiquement, explique Denis-Martin. À deux reprises, il s’est fâché contre moi, m’a saisi à la gorge et il m’a levé dans les airs […] Je n’ai pas compris que c’était le temps de partir à ce moment-là, car je pense qu’on ne veut pas le voir, puis je n’en parlais à personne, car à qui veux-tu parler de ça?»

Un jour, il reçoit le coup de trop. Denis-Martin se réveille au sol sans souvenir précis de ce qui s’était passé. Il décide alors, pour sa propre vie, de mettre fin à cette relation qui a duré près de neuf ans.

«Je n’en ai pas parlé, car la première chose que je ne savais pas, c’était qui appeler. Je vivais dans la peur et dans la honte, donc comment expliquer le visage tuméfié au travail?», dit-il.

Très vite, il se remet en couple avec un homme qui lui fera subir des violences psychologiques et financières. Il lui arrivait d’utiliser le statut sérologique de Denis-Martin comme une arme contre lui, en lui reprochant son insistance quant à l’utilisation du condom.

«Dans une relation de couple, je n’avais pas pensé que ça aurait pu m’arriver. [Par contre], je m’attendais à ce que ma vie soit parsemée de violences de toute sorte parce que c’est le lot qu’on doit subir quand on est le moindrement différent ou marginalisé», explique Denis-Martin.

Une méconnaissance des violences

Dans le contexte des communautés LGBTQ2+, l’emploi des mots «violences dans une relation intime et/ou amoureuse» (VRIA) est préféré à l’expression «violences conjugales». Cela favorise une approche plus inclusive de ce type de violences en permettant de sortir du cadre hétéronormatif et de prendre en compte d’autres configurations relationnelles, comme les relations ouvertes.

«La violence dans la relation intime va donc passer sous le radar et on ne va pas la dépister non plus chez certains intervenants parce que la représentation sociale [des violences conjugales] est tellement hétéronormative qu’on ne va pas associer certaines expériences à de la violence», explique la professeure au Département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais Sylvie Thibault.

Elle-même a été cochercheuse dans deux projets de recherche portant sur les VRIA chez les personnes LGBTQ2+. Selon elle, la façon dont on perçoit les violences conjugales a un «effet direct» sur ces personnes. Celles-ci ne vont pas nécessairement se rendre compte que ce qu’elles vivent est de la violence.

Cette méconnaissance s’ajoute à la crainte, pour ces personnes, d’être jugées et de devoir révéler leur identité de genre et sexuelle aux policiers lors du dépôt d’une plainte, en plus d’avoir à dévoiler qu’elles sont victimes de violences. Même si les formes de violences sont les mêmes que dans les couples hétérosexuels, la façon dont elles s’expriment peut différer.

«Dans les populations des communautés, il y a des particularités qui découlent du contexte hétéronormatif et de l’homophobie qui est vécue qui vont influencer la façon dont sont distribués les pouvoirs et les rôles de genre, explique Mme Thibault. Ça va s’infiltrer dans les relations intimes et amoureuses et dans la façon dont la violence est perçue et vécue.»

Le ou la partenaire violent.e va ainsi se servir du statut sérologique, de l’expression et de l’identité de genre ou encore de son orientation sexuelle pour prendre le pouvoir sur la victime et s’en servir contre elle.

Un manque de ressources

Une fois que les personnes réalisent qu’elles sont victimes de violences, le calvaire continue. Un chemin de croix les attend pour trouver une ressource qui répondra au mieux à leurs besoins.

Le directeur général de l’organisme RÉZO, Alexandre Dumont-Blais, déplore un manque de ressources adaptées aux réalités des personnes LGBTQ2+. Son organisme intervient auprès des hommes GBTQ+ cis ou transgenres.

«Il n’y a pas de ressources claires et spécifiques pour les hommes GBTQ+, c’est un peu complexe de naviguer dans le système pour être référé, dit-il. On va recommander la personne vers différentes ressources en fonction de la localité de la personne et de son aisance avec la ressource.»

Face à l’absence de ressources adaptées, l’organisme ne peut que trouver de la place dans les ressources grand public. Il rappelle même que certains centres d’hébergement refusent d’accueillir les personnes trans.

«Notre rôle, c’est de référer, mais, en toute franchise, il n’est pas garanti que ces références, qui sont destinées à un large public, vont être adaptées», dit-il.

Pour la responsable du soutien clinique chez SOS Violences conjugales, Claudine Thibaudeau, les hommes gais ont plus de difficulté à trouver une ressource.

«Ce serait très intéressant qu’il y ait des ressources pour les hommes gais à travers le Québec, dit-elle. Les femmes lesbiennes ont accès facilement aux maisons d’hébergement, [tandis que] pour un homme gai sans enfant qui est en danger, ce ne serait pas évident.»

Elle rappelle que les personnes immigrantes parrainées par un.e partenaire violent.e peuvent se défaire de ce parrainage en toute sécurité.

«Si on en parlait plus, si on ouvrait grand les portes et qu’on visibilisait cette réalité et l’accessibilité d’une ressource, il y aurait peut-être des gens qui sortiraient et qui viendraient chercher de l’aide», conclut Claudine Thibaudeau.

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