DOSSIER. Désireux de réduire les désistements de donneurs potentiels tout en favorisant davantage de greffes d’organes, certains systèmes de santé misent sur un changement législatif. En passant ainsi du consentement explicite (approbation individuelle) au consentement présumé (universel), on anticipe un accès à un bassin plus large permettant de sauver plus de receveurs en attente. Or, les avis sont partagés sur cette éventualité.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la direction de Transplant Québec n’est pas fervente d’exiger une telle modification à la loi. À première vue, on peut penser qu’en théorie ce serait plus efficace et simple de considérer tout le monde comme étant donneur potentiel après sa mort. Cependant, dans la pratique, c’est loin d’être une évidence. En effet, plusieurs nuances s’imposent.
Actuellement, les expériences internationales en faveur du consentement présumé, comme en France et en Espagne, font l’objet d’analyses et d’études un peu partout dans le monde. Le Dr Matthew Weiss, directeur médical à Transplant Québec, est d’ailleurs membre d’un comité d’observation de la situation en Nouvelle-Écosse, première juridiction en Amérique à avoir choisi cette voie. Il soulève deux aspects qui militent en faveur d’une réflexion plus approfondie.
«D’abord, on doit maintenir une confiance inébranlable dans l’intégrité de notre système de santé. Il ne faut pas se retrouver dans un contexte où des gens refuseraient de se rendre à l’hôpital par crainte de ne pas être soignés pour mieux prélever leurs organes. Chaque patient doit avoir la certitude que tout sera fait pour lui sauver la vie. C’est à la base du serment (d’Hippocrate) prêté par chaque médecin avant d’exercer. Ensuite, le sujet mérite de faire l’objet d’un vaste débat, comme ç’a été fait pour baliser le droit de mourir dans la dignité», estime Dr Weiss.
Facteurs à considérer
Aux yeux de Louis Beaulieu, directeur général de Transplant Québec, chaque modèle a ses avantages. Par exemple, les Espagnols se hissent au premier rang mondial pour les transplantations d’organes et le roulement des listes d’attente. Par contre, il y a des pays au consentement présumé qui font moins bien que d’autres où celui-ci doit être signifié. À titre d’exemple, la France affiche un ratio de 20 donneurs par million d’habitants, tandis que les États-Unis atteignent le double (42/1M hab).
Cela démontre à son avis que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour maximiser le rendement en matière de greffes d’organes et de tissus. D’une part, comme le répète Transplant Québec, il importe que la population soit sensibilisée à la nécessité de faire connaître ses volontés à sa famille. D’autre part, comme aux États-Unis, les équipes médicales doivent être mieux formées pour identifier les donneurs potentiels et intervenir promptement pour opérer avec succès.
«Bref, il n’y a pas de réponse facile en matière de consentement et Transplant Québec n’a pas l’autorité pour changer la loi et adapter le Code civil. Nous sommes toutefois d’avis qu’une vaste consultation publique est requise. Elle permettrait aux diverses voix du Québec de déterminer ensemble ce qu’un oui officiellement exprimé veut vraiment dire dans ces moments critiques où le don d’organes est possible», suggère M. Beaulieu.
L’avenir du don d’organes repose sur un système plus performant qui:
- assure la formation constante des professionnels
- améliore l’organisation des services dans les hôpitaux
- assure l’éducation du public
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- Hausse des listes d’attente depuis la pandémie.
- Une famille sur quatre refuse le prélèvement consenti.
- Mythes et réalités sur le don d’organes.