Richard Goudreau, artiste par accident
Il y a ceux qui à cinq ans, passent déjà leurs journées un pinceau à la main, habités d’une âme d’artiste-peintre comme une vocation qu’ils embrasseront inévitablement plus tard. Il y a les autres qui, à la faveur d’une rencontre déterminante, allumeront sur l’aquarelle et, de là, le chemin se tracera de lui-même. Et il y a Richard Goudreau. «Un gars ben ordinaire» qui est devenu portraitiste de rue par accident.
Être au bon endroit au bon moment, quand bien même on aurait dû à ce moment-là se trouver ailleurs: voilà qui résume assez bien le parcours de Richard Goudreau. Se destinant d’abord, jeune homme, au dessin commercial au sein de l’Aviation royale canadienne, il quitte les rangs en l’absence de poste offert.
Il se retrouve à occuper diverses fonctions subalternes à La Presse, qui lui laissent du temps libre sur les heures de travail. Il dessine. Ses croquis – souvent osés – tombent sous la main de son supérieur, qui le convoque à son bureau. Il craint d’être congédié; on lui offre plutôt un poste où il touchera à la caricature, à la mise en page, à la retouche des photos. «Ça a vraiment été mon école», confie le Drummondvillois d’origine, qui restera au journal pendant 12 ans.
Sans argent, sans cartes, sans souvenirs, mais avec du talent
Au cours d’une période de remises en question, Richard Goudreau prend la route de Baie-Saint-Paul pour y peindre pendant quelques jours. En chemin, il s’arrête dans un bar à Québec, pour se réveiller le lendemain dans une maison de la rue d’Auteuil, sans argent, sans cartes, sans souvenirs de la veille. Indécis quant à la suite des choses, il marche vers la rue Sainte-Anne, où il voit quelques portraitistes à l’œuvre. «Je serais capable de faire ça», se dit-il même s’il n’a jamais tâté du portrait en direct ni du pastel.
La réponse est instantanée. On lui achète sa première toile, puis sa deuxième. Et combien d’autres encore au cours des 33 années qui vont suivre, jusqu’à sa retraite en 2011.
Quand l’ordinaire produit de la beauté
Aujourd’hui, après «avoir fait la rue» comme il se plaît à dire, il a troqué le pinceau de portraitiste pour la spatule de sculpteur sur glaise. Là encore, le fruit d’une coïncidence: il y a dix ans, on l’invitait à un atelier de sculpture à la Société artistique de Charlesbourg. Coup de foudre pour cette forme d’art qui fait appel à son intuition, à son feeling, explique-t-il. Cela donne des résultats variés, d’un buste de Ralph Mercier à un homme-arbre, son fils juché sur les épaules dans une Célébration qui donne son titre à l’œuvre.
«J’aurais pu passer à côté de ce talent-là», conclut l’autodidacte à propos de l’ensemble de sa carrière. L’aurait-il regretté, lui, l’artiste par accident? «L’art, c’est inutile à la société, admet-il comme une évidence. Mais ça rend les gens plus heureux. J’ai toujours été partagé entre la futilité et l’importance de ce que je fais.» Une autre façon de dire qu’il est un «gars ben ordinaire» qui fait «œuvre de beauté».
Charlesbourg, terreau d’artistes? C’est la question que nous posons avec cette série de portraits sur ces Charlesbourgeois qui vivent professionnellement de leur art – sans nécessairement s’y consacrer exclusivement ni à grande échelle. Qu’il s’agisse de peinture, musique, sculpture, photographie, danse, chant, cinéma, théâtre…: l’idée est de lever le voile sur une variété de démarches artistiques et de vies d’artistes, établis ou de la relève. Contactez-nous si vous vous reconnaissez dans ce portrait: redaction_quebec@tc.tc.
Membre du Groupe Québec Hebdo