Le nom de Benoît Bourdeau passe inaperçu auprès de la population québécoise. Père d’un jeune homme de 19 ans et facteur à ses débuts dans Limoilou et maintenant à Duberger, il mène une vie rangée. Pour son nom d’artiste, D-Natural, c’est une autre histoire. Ce nom fait partie du folklore pour ceux qui ont vécu leur adolescence entre les années 1995 à 2003 dans la région de Québec. D-Natural a attiré son lot d’applaudissements, de sourires et d’insultes. Portrait de ce facteur-rappeur qui a marqué le début de la scène rap québécoise.
«Il y a rarement une journée qui se passe sans que quelqu’un ne me reconnaisse. Ça fait 15 ans que je n’ai rien fait et les gens adorent encore m’en parler», déclare tout sourire l’homme dont les tempes grises trahissent le fait que quelques années se sont écoulées depuis son premier succès en 1995.
«J’avais envoyé une cassette dans le temps pour Démo-Clip à MusiquePlus et j’avais été retenu. Lors du tournage de la chanson D-Natural est mon nom, les circonstances ont voulu que ça s’est fait à Hull. Comme je ne voulais pas montrer que je n’étais pas à Québec, j’ai choisi une cour à scrap comme décor et c’est la raison derrière l’endroit du vidéoclip. C’est étrange, car c’est l’une des explications pourquoi le clip a eu autant de succès», avoue candidement celui qui est un grand amateur de dek hockey dans ses temps libres.
Le succès instantané du vidéoclip l’amène à faire d’autres chansons qui n’ont pas eu autant la cote que son premier succès. Une carrière éphémère qui semble s’éteindre à petit feu comme c’est bien souvent le cas pour de nombreux artistes. En 1998, il entame sa carrière de facteur chez Poste Canada et tout porte à croire que la fin de la carrière du chanteur est proche.
Une grosse année
Contre toute attente, c’est en 2003 que D-Natural revient au sommet avec la plus grosse année de sa carrière. D-Natural is back devient un succès instantané. «C’était plus gros qu’en 1995, j’avais de la misère à faire ma run de facteur. Nous étions pendant sept semaines au sommet du top franco de Musique Plus. Je me faisais arrêter à tous les coins de rue, c’était malade!»
La réponse intense du public est ressentie dans la vente de produits dérivés, mais l’album Ezback est un échec. «On a eu un problème de distribution alors que le disque n’était pas trouvable au plus fort du buzz. Quand il est devenu disponible, la folie était terminée.»
Cependant, tout n’est pas rose alors que le chanteur reçoit plusieurs menaces de mort. La police a un abonnement permanent en face de sa résidence. «C’est la partie vraiment plate de tout ça, j’ai toujours fait ça en ayant comme but de divertir les gens et je ne me suis jamais pris au sérieux. Quand, après tes spectacles, y’a du monde qui t’attendent et qui veulent se battre avec toi. C’est moins l’fun! Je me souviens d’un spectacle au Vans Warp tour à Montréal en 2003, j’étais incapable de rapper parce qu’il fallait que j’évite tous les objets lancés vers moi, c’était vraiment dangereux. Cet aspect m’a fait délaisser la vie publique», reconnaît l’un des premiers rappeurs de Québec.
Malgré tout ça, il assure qu’il n’a aucun regret d’avoir campé le personnage polarisant.
Un dernier retour
Après 15 ans de silence, l’homme originaire de Limoilou croît qu’il est prêt pour un dernier tour de piste. «Je suis beaucoup plus mature maintenant. Je suis prêt mentalement à répondre à mes détracteurs. Je suis conscient que ça peut être difficile avec les médias sociaux, mais à bien des égards je crois que D-Natural n’est pas tuable. Je pense que quelques nouvelles chansons avec un mélange d’anciens succès seront la recette magique à suivre. Je sens qu’il y a encore beaucoup de nostalgie pour mon personnage!»
Pour ce faire, l’artiste a reçu des offres de collaboration, mais il préfère ne pas s’aventurer encore. «J’ai besoin d’avoir confiance dans mon entourage, je ne ferai pas un retour à n’importe quel prix. Je pense que les conditions gagnantes vont bientôt être réunies pour le retour du grand D-Natural!»
En attendant cette fameuse renaissance, vous trouverez Benoît Bourdeau sur les terrains de dek hockey de la région de Québec. «Quand j’entends l’autre équipe dire qu’il faut surveiller D-Natural, je pars à rire», termine celui qui n’a jamais eu peur de l’autodérision et c’est parfait comme ça!