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Culture de cannabis à domicile: Québec a convaincu les sénateurs

OTTAWA — Le projet de loi fédéral sur le cannabis devrait préciser que les provinces ont le pouvoir de décider si elles autorisent ou non la culture de cannabis à domicile, comme le Québec et le Manitoba souhaitent le faire, recommande un comité sénatorial.

Quebec Opposition Leader Jean-Marc Fournier questions the government Tuesday, November 20, 2012 at the legislature in Quebec City. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot

Les arguments présentés il y a quelques jours à Ottawa par le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, ont convaincu les sénateurs du comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Dans un rapport publié tard mardi soir, ils proposent unanimement d’amender le projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis pour «préciser l’autorité des provinces et territoires à légiférer l’autorisation de la possession, la culture, la multiplication et/ou la récolte de plantes de cannabis dans des lieux déterminés, y compris le pouvoir de les prohiber».

Cette recommandation va dans le sens d’une suggestion formulée la semaine dernière par le ministre Fournier devant le comité. Il avait soutenu que les provinces avaient la compétence de prohiber la culture à domicile et qu’une clarification s’imposait dans le texte de C-45.

Une position dont le sénateur indépendant André Pratte se dit «fermement partisan». Inclure une précision sur cette question «délicate», sans doute «une de celles qui soulèvent le plus de controverse», permettrait de s’assurer d’éviter une contestation devant les tribunaux.

«Je trouve que le pire scénario, ce serait le scénario où on s’enligne vers une contestation judiciaire, et là on aurait des années d’incertitude où le consommateur, lui, est pris là-dedans à se demander à quelle des deux lois il obéit», a-t-il fait valoir au téléphone.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, avait discuté de la possibilité d’un choc Québec-Ottawa devant les tribunaux lors de son passage en comité sénatorial il y a quelques semaines.

Elle avait insisté sur le fait que le gouvernement Trudeau n’avait aucunement l’intention de contester les lois provinciales, mais qu’une telle démarche pouvait être instiguée par un citoyen, et que si cela se produisait, la loi fédérale aurait prépondérance.

Ces propos avaient fait bondir à Québec, ce qui explique le fait que Jean-Marc Fournier se soit déplacé pour témoigner en comité. Il y a accusé Jody Wilson-Raybould d’avoir cherché à «encourager» les contestations citoyennes. La ministre s’est défendue d’avoir telle intention.

Interdire la culture?

Dans leur rapport, les sénateurs vont plus loin, recommandant carrément d’interdire de faire pousser du cannabis à la maison. Cette proposition, adoptée à majorité, va à l’encontre de ce qui est prévu dans C-45, qui permet de cultiver jusqu’à quatre plants de cannabis par ménage.

Selon le sénateur conservateur Claude Carignan, la prohibition de la culture à domicile ne va pas à l’encontre de l’objectif du projet de loi sur la légalisation de la substance.

Ce n’est pas l’avis de son collègue Pratte, qui a d’ailleurs voté contre cette recommandation qui a passé de justesse — par un seul vote — à la table du comité, mardi.

«Le produit va être légal, alors je pense que ce n’est pas tout à fait logique pour le gouvernement du Canada, qui légalise un produit, que ce même gouvernement dise que ce soit interdit de le produire à la maison», a-t-il argué en entrevue téléphonique.

Trois comités sénatoriaux ont présenté mardi leur rapport de recommandations. L’un d’entre eux, le comité des peuples autochtones a suggéré de reporter «d’au plus un an» la légalisation sous prétexte qu’Ottawa n’a pas suffisamment consulté Premières Nations, Inuit et Métis.

À son arrivée au parlement pour la réunion du caucus libéral, mercredi matin, le premier ministre Justin Trudeau a semblé écarter l’idée, faisant valoir que ses troupes avaient abondamment consulté avant de déposer leur mesure législative.

«On a passé beaucoup de temps à discuter avec bien des Canadiens, incluant les peuples autochtones, sur la légalisation», a-t-il soutenu lors d’une brève mêlée de presse, alors qu’il revenait tout juste d’une rencontre de l’Assemblée des Premières Nations à Gatineau.

«La raison pour laquelle on est en train d’avancer sur la légalisation, c’est pour mieux protéger nos communautés, mieux protéger nos jeunes (…) On va continuer le processus de légalisation», a-t-il enchaîné.

Il revient maintenant au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie de voir s’il propose des amendements au projet de loi, que l’on espère soumettre à un vote final au plus tard le 7 juin à la chambre haute.

Et d’après le sénateur Carignan, il est «certain qu’il va y avoir des amendements».

Même si tout se passe sans anicroche à la chambre haute, le cannabis ne sera pas légal au pays avant août, voire septembre, car les provinces et territoires mettront huit à 12 semaines pour mettre en place leurs régimes de vente et de distribution.

Mélanie Marquis , La Presse canadienne

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