Contrairement à ce que peut laisser croire l’abondance de faits divers en la matière dans les médias, les récidives des délinquants sexuels sont en baisse. Elles ont chuté de près de 70% au pays au cours des 80 dernières années, selon une étude publiée dans la revue scientifique Criminology and Public Policy.
De l’avis du professeur Patrick Lussier, premier auteur de l’étude et professeur à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, plusieurs facteurs expliquent ce résultat. Il cite notamment l’amélioration des connaissances sur la délinquance sexuelle et la formation des intervenants du système pénal.
Pour établir ce constat, le professeur Lussier et son équipe ont passé en revue 185 études qui avaient analysé le taux de récidive de 226 groupes de délinquants sexuels à travers le pays entre 1940 et 2019. Ils ont porté leur regard sur un échantillon hautement représentatif de 55 944 contrevenants.
L’étude démontre qu’entre 1940 et 1979, le taux de récidive d’inconduite sexuelle moyen pondéré était de 23%. En comparaison, de nos jours, il se situe autour de 7%, soit une baisse de près de 70%.
Ensemble de facteurs explicatifs
«Je ne pense pas qu’on puisse attribuer à une loi ou à une mesure en particulier la chute observée au Canada depuis les années 1970-1980. J’ai l’impression que c’est un ensemble de facteurs», commente Patrick Lussier. Le chercheur précise que cette baisse drastique s’est entamée plus de 20 ans avant la mise en place du registre canadien de délinquants sexuels, en 2004.
«Ce registre non public, destiné essentiellement à faciliter le travail des enquêteurs, n’est pas la cause de cette chute. Il faut regarder ailleurs», avance-t-il. Parmi les hypothèses avancées pour expliquer cette baisse, M. Lussier mentionne une amélioration des connaissances pour comprendre la délinquance sexuelle, notamment les facteurs associés à la récidive.
Le chercheur ajoute qu’il existe maintenant une plus grande collaboration entre les milieux correctionnels et universitaires. La pratique a évolué et les intervenants sont formés. «Il n’y avait même pas de criminologie au Canada avant les années 1960», dit-il en parlant de son domaine d’étude qui se penche sur les causes et le processus du passage à l’acte criminel. Aujourd’hui, on bénéficie de l’expertise de criminologues, psychiatres, psychologues, sexologues et travailleurs sociaux.
L’étude est cosignée par Julien Fréchette et Stéphanie Chouinard Thivierge, de l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval, Jean Proulx, de l’Université de Montréal et du Centre international de criminologie comparée, ainsi qu’Evan McCuish, de l’École de criminologie de l’Université Simon Fraser.