QUÉBEC — Le tueur semblait calme, «comme s’il jouait à un jeu vidéo», a raconté au tribunal l’un des témoins de la tuerie de la mosquée de Québec, qui a aussi été blessé par balle le soir du 29 janvier 2017.
Photo tirée de Facebook
Saïd Akjour a raconté au juge François Huot de la Cour supérieure ce qu’il a vu ce soir-là. Et comment sa vie a changé.
L’homme de 45 ans a reçu une balle à l’épaule.
S’il a d’abord entendu des bruits qui ressemblaient à des coups de feu, il n’a pas compris tout de suite ce qui se passait.
Puis il a vu Alexandre Bissonnette, tout habillé de noir, qui a commencé à tirer dans la salle de prière.
«J’ai vu qu’il se passait un massacre devant mes yeux».
Caché, il se risque à regarder quand les balles cessent de fuser.
«C’est là que j’ai vu la bravoure d’Azzedine Soufiane». L’homme faisait des gestes pour dire aux autres de venir l’aider à maîtriser le tireur. M. Akjour a fait un pas vers l’avant, puis les balles ont recommencé et il est rentré dans sa cachette. Azzedine Soufiane l’a finalement chargé seul, et il y a perdu sa vie.
M. Akjour a dit au procureur de la Couronne: «Vous avez dit que ça a duré deux minutes? Pour moi, ça a duré deux heures».
Ce témoignage a lieu dans le cadre des observations sur la peine d’Alexandre Bissonnette, déclaré coupable d’avoir tué six hommes et d’en avoir blessé plusieurs autres le 29 janvier 2017.
Bissonnette a écouté sans broncher le témoignage de l’homme, ne montrant aucune expression.
M. Akjour a dû s’absenter du travail pendant huit mois. Encore aujourd’hui, il ne peut travailler à temps plein. Son sommeil est perturbé par des cauchemars, et il confie voir du danger partout: à l’épicerie, à la bibliothèque. Partout, insiste-t-il.
Lorsqu’il croise quelqu’un qui s’appelle «Alexandre», il dit que quelque chose bloque en lui.
L’homme déplore l’impact que la tuerie a eu sur son fils de huit ans.
Le bambin refuse d’aller à la mosquée de Québec. Il cherche son père dans la maison pour voir s’il est toujours là, et le touche si ce dernier ferme les yeux, pour s’assurer qu’il soit toujours vivant.
«Ce qu’il a vécu, c’est grave».
«Il y a une vie avant le 29 janvier 2017, et une vie après», résume-t-il.
Il est prévu que d’autres victimes et leurs proches témoignent mardi.
Lundi après-midi, Aymen Derbali a été le premier à parler au juge. L’homme de 41 ans a reçu sept balles du tireur et est devenu tétraplégique à la suite de ses blessures.
Alexandre Bissonnette est passible de 150 ans de prison, soit 25 ans pour chacun des six meurtres commis.
Stéphanie Marin, La Presse canadienne