QUÉBEC — Alexandre Bissonnette a déclaré à une intervenante sociale au centre de détention qu’il regrettait de ne pas avoir tué plus de personnes à la mosquée de Québec le 29 janvier 2017, car les victimes sont au ciel, alors que lui «vit l’enfer».
Photo tirée de Facebook
Il a fait cette déclaration à Guylaine Cayouette en septembre 2017 alors qu’il était incarcéré. Elle a consigné ses propos dans un rapport.
Lors de cette rencontre, Bissonnette a dit qu’il idolâtrait les tueurs en série depuis l’adolescence et qu’il voulait faire un geste d’éclat depuis.
Le jeune accusé a aussi déclaré ce jour-là qu’il «était tanné de jouer un rôle» et que ce n’était pas vrai qu’il ne se souvient pas de ce qu’il a fait ce soir-là, car il se souvient «de tout».
Il rapporte que deux médecins qui l’ont évalué ne croyaient pas qu’il entendait des voix.
«Je regrette de ne pas avoir tué plus de personnes», a écrit Mme Cayouette dans son rapport pour la Sécurité publique, en rapportant les propos d’Alexandre Bissonnette.
«Je voulais la gloire», est-il aussi rapporté dans ce document.
Bissonnette a dit vouloir mourir à plusieurs reprises lors de cette rencontre et qu’il a «manqué son coup», car il devait mourir.
Déjà lors de cette rencontre, il a dit qu’il voulait plaider coupable et qu’il avait avisé son avocat.
Mme Cayouette indique que l’accusé était dans un protocole anti-suicide depuis le début de son incarcération.
Son avocat, Charles-Olivier Gosselin, a précisé que à la suite de sa rencontre avec Mme Cayouette, il a été placé dans une cellule capitonnée, vu son état.
Bissonnette a été déclaré coupable d’avoir tué six personnes et aussi de six chefs de tentatives de meurtre.
Des recherches sur l’islam et les tueries de masse
Alexandre Bissonnette a consulté à de nombreuses reprises en janvier 2017 la page Facebook et le site internet du Centre culturel islamique de Québec, là où se trouve la mosquée où il a abattu six fidèles – dont une recherche à peine deux heures avant la tuerie du 29 janvier.
Cette information ressort d’un rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) confectionné à la suite de l’extraction informatique des informations contenues dans l’ordinateur portable de Bissonnette.
Cet ordinateur révèle aussi qu’il a fréquemment visité en janvier 2017 les pages web de deux groupes de femmes, dont Féministes en mouvement de l’Université Laval (FEMUL).
Il a aussi fait une multitude de recherches sur le président américain Donald Trump, ainsi que sur des armes à feu.
Les recherches sur la mosquée de Québec et un groupe musulman l’ont été à répétition en janvier 2017: lors de sept jours différents, il s’est rendu sur la page Facebook du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ). Il a aussi consulté le site internet directement du CCIQ et la page Facebook de l’Association des étudiants musulmans de l’Université Laval, là où il faisait ses études, lors de 10 journées différentes.
Le seul jour de la fusillade, il se rendra 12 fois sur le site du CCIQ.
Et c’est sans compter ses nombreuses visites sur des sites parlant de l’islam, de l’islamophobie et du groupe armé Daech.
Ces sujets ont été ciblés par les policiers: on ne sait toutefois pas quel pourcentage de la totalité de ses recherches ils représentent.
Toute cette information est présentée par la Couronne au soutien de la peine de prison qu’elle va réclamer pour Bissonnette, qui est passible de 150 ans d’emprisonnement. Les audiences se tiennent au palais de justice de Québec. Bissonnette a plaidé coupable à six chefs de meurtre au premier degré et à six tentatives de meurtre.
Au cours du mois de janvier 2017, Bissonnette regarde des vidéos de fusillades, et s’informe sur les armes à feu et les munitions – il regardera peu avant de se rendre à la mosquée des vidéos de maniement de pistolet Glock, avec lequel il a fait ses victimes.
Parmi les autres sujets de prédilection du jeune homme sur internet: les tueries de masse et leurs auteurs comme le suprémaciste blanc américain Dylan Roof, Marc Lépine, qui a perpétré le massacre de l’École Polytechnique à Montréal, et Justin Bourque, qui a tué trois policiers de la GRC à Moncton au Nouveau-Brunswick en 2014.
Selon l’un de ses amis, Alexandre Bissonnette avait un « intérêt remarquable » pour les tueries de masse.
Selon ce qu’il a déclaré aux policiers le lendemain de la tuerie, Bissonnette approuvait la vision du président Trump sur l’immigration, croyant que le nombre d’immigrants devait être restreint puisque des terroristes pouvaient se cacher parmi eux.
Il s’intéresse d’ailleurs au décret signé par le président américain pour empêcher la venue aux États-Unis de ressortissants de pays comportant une majorité de musulmans.
Une photographie d’Alexandre Bissonnette arborant une casquette rouge portant le slogan de campagne de Trump laisse supposer qu’il est un admirateur du président.
Le message twitter du premier ministre Justin Trudeau au sujet de l’accueil de réfugiés par le Canada a été consulté par Bissonnette le soir même de la tuerie, vers 18 h30. Il a déjà été mis en preuve qu’il a déchargé ses balles entre 19 h 54 et 19 h 56 ce soir-là.
«À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera… indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force», écrivait M. Trudeau, le 28 janvier 2017.
Lors de son interrogatoire policier effectué le lendemain de la tuerie, Bissonnette a laissé entendre qu’un élément déclencheur pour ses gestes a justement été d’apprendre, dans un bulletin de nouvelles télévisé, que le Canada s’apprêtait à accueillir encore plus d’immigrants, dont ceux refusés par les États-Unis.
Il a aussi consulté un site sur le suicide peu avant le jour du 29 janvier 2017 et un sur les effets secondaires du Paxil, un médicament qu’il prenait et qui est fréquemment prescrit pour l’anxiété et la dépression.
Stéphanie Marin, La Presse canadienne